Avant d’aborder le cœur du sujet, un brin d’histoire : à l’origine même de Hand’Solo, il y avait eu ce premier Bassments of Badmen en 1996. A une époque où le rap indé du gouffre prenait tout juste son essor, le label canadien contribuait à orienter les projecteurs sur la remuante scène hip-hop d’Halifax, Nouvelle-Ecosse, et révélait des gens dont on entendrait souvent parler les années suivantes, Buck 65, Sixtoo ou, dans un genre plus classique, Classified.

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Hand'Solo Records :: 2003 / 2010 :: acheter ce disque

Sept ans après, masterisé par ce bon vieux mcenroe, un second volume reprenait le même principe, mais il étendait le spectre à l’ensemble du Canada, voire au voisin étatsunien, et plus loin encore, jusqu’au Japon avec Spiritual Juice, offrant une place à des gens qui étaient déjà, ou sont devenus depuis, des références indé : Noah 23, Epic, Thesis, Selfhelp, Mindbender, Wordburglar, Toolshed, Creature Box, Jesse Dangerously, Vangel et les Restiform Bodies.

Sept ans passent encore et, parce que le premier CD était épuisé, que la pochette originale collait mal à l’ambiance assez noire de l’ensemble, et aussi, peut-être, parce que tous ces gens talentueux n’ont toujours pas rencontré le succès mérité, nos Canadiens décident de repackager et de sortir à nouveau ce disque.

Et la bonne nouvelle, c’est que cette compilation venue d’un temps où le rap indé était à son apogée n’a pas pris trop de rides. Avec son instru sombre façon hip-hop new-yorkais, surmontée de raps plastiques et volubiles, "Enter the Bassment" de Fact & The Verbals fait une intro parfaite. Les visions du futur et les percussions bondissantes du "Flash Forward" de Toolshed confirment l’excellence de l’un des groupes les plus injustement mésestimés des années 2000, un titre que Creature Box pourrait leur disputer avec le sombre et lent "Ciggaret Butt Sandwitch". Le "Uh-Oh" sautillant des fantasques Restiform Bodies, alors chez Anticon, est toujours d’une grande classe. Noah 23 était plus que jamais irréprochable sur "Amnesia". Le gentil délire "Twisted Ankle" du turntablist Awristoscratch etait récréatif. Au jeu du posse cut, Choke, Thesis, Jesse Dangerously et Uncle Fester s'en tiraient avec les honneurs. Et même le noir et furieux "Theory vs. Practice" d’Ill Seer, de Delegates of Culture, fait toujours son petit effet.

Ces titres, la plupart excellents, en pardonnaient d’autres, plus faibles, qu’une compilation de cette longueur ne pouvait manquer de proposer, (ce "Bury the Bodies" à l'instru saoulante, ce "The Prosecution Rests" aux cuivres lourdauds). Ils étaient un tel concentré de fraicheur, de diversité, de bizarreries, de beats venus d'ailleurs, de fantaisies stylistiques, de passages humoristiques, de scratches virevoltants ou oppressants, selon, que tout cela sonne toujours d’actualité. Ou, pour être plus exact, que cette séance de rattrapage pour ceux qui se baladaient loin de l’underground hip-hop canadien en 2003, s’avère une idée bien sentie.