Stronghold Ventures :: 2001 :: acheter ce disque

Deux catégories de Français ont de bonnes chances de connaître le collectif Stronghold. Les Bordelais en premier lieu, qui ont assisté il y a quelque temps à une représentation dévastatrice et mémorable des cinq MC’s (Breez Evahflowin, C-Rayz Walz, Poison Pen, L.I.F.E. Long et Stelf Index). Les fans de hip hop attentifs et curieux ensuite, qui ont remarqué leurs nombreux featurings dont ceux, récents, sur The Cold Vein (C-Rayz Walz) ou Ritual of the Molemen (Breez Evahflowin, C-Rayz Walz).

Les mêmes ont sans doute retenu que les cinq compères sont loin, très loin, d’être bègues. Ils confirmeront leur impression sur The Mixtape, un véritable album, comme son nom ne l’indique pas, première sortie collective de Stronghold, après quelques aventures solo ou dans d’autres groupes (L.I.F.E. Long avec Witer’s Guild). Très clairement, le disque ici présent est un manifeste de MC battle, très direct, incisif, punchline, rempli à ras-bord de lyrics à la "I’ll pull your heart out your chest like my favorite trinket, whip up slips with the organ you think with". Pour recopier sans grand risque un extrait pioché ailleurs.

Assurée pour moitié par Stelf Index, pour moitié par d’autres, la production n’est pas la star de The Mixtape. Elle se contente de livrer aux cinq protagonistes les beats qui tapent de circonstance, non sans efficacité (cf. "Between Dah Seams" produit par DJ Chillout), ou quelques accompagnements sympathiques mais académiques ("Shoot your Eye out" produit par CAL, "Therapist" produit par Kenny Patt, "Big as Ya Mouth" produit par Insane & Catalyst). Seuls quelques instrus, plus subtils, plus vicelards, font décoller la musique : l’étrange "Morse Code", les sautillants "Stronghold Law" et "I See You" (tous trois de Stelf Index), l'inquiétant "Strongholdin'" (Tonedeff), et surtout le magique "Hectic" et l’endiablé "Shine" (tous deux Crystal Lake). Mais c’est tout. Et encore, comme souvent quand on laisse cinquante emcees s’exprimer tour à tour, même les meilleurs passages deviennent longuets.

Preuve du peu d’importance accordé à la production, le titre qui arrache le plus ("Step this Way"), tout lofi et crado, semble directement sorti d’un concert. Le producteur et turntablist DJ Static a beau être crédité, on ne voit pas trop ce qu’il a pu apporter excepté le gros scratch pas discret qui débarque en plein milieu. En dépit de ce déséquilibre, l’album s’écoute sans trop risquer l’overdose. Les MC’s ont ce qu’il faut de ressources et de flow pour assurer presque seuls le spectacle. A la condition exclusive d’inventer une catégorie spéciale "albums de battle", The Mixtape a sa place dans les disques à retenir cette année.