Ah ah ! Vous croyiez être allés au bout de ce genre de hip-hop obtus et intimiste enregistré dans leurs chambres par des petits blancs tout juste sortis de l’adolescence ? Eh bien, non, même pas, toujours pas ! Plus loin que tout ce que vous aviez pu entendre dans le genre, plus profond dans le gouffre, il y a otem rellik. Celui dont le véritable nom est Toby Hendricks possède toute la panoplie : le pseudonyme à coucher dehors et à écrire sans majuscule, le son lo-fi, la petite voix sans charisme, les paroles "emo" et compliquées. Et il ne se cache même pas, au contraire. Il clame haut et fort que sa musique s’appelle du bedroom rap et que les samples qui lui ont permis de concocter ses beats, il les a téléchargés. Son label est le sien et ne sort que ses disques. Les types qu’il invite sur son disque, c’est son frère, des guitaristes ou des rappeurs encore plus inconnus que lui, comme Archimedes. Il habite au milieu de nulle part, à Fort Collins dans le Colorado, et seuls ses efforts de Net marketing et sa fréquentation d'éminents représentants du genre, à savoir Brad Hamers et Astronautalis, lui ont permis d’émerger un tant soit peu. Et pourtant, vous savez quoi ? Otem rellik, c’est bien. Parfois.

OTEM RELLIK - Petrified Human Project

Petrified Human Project est son album de 2005, et de son propre aveu, c’est le plus abouti de ses travaux. Eu égard à la présentation faite un peu plus haut, la musique que révèle ce disque ne surprend en rien : c’est du rap conjugué à la première personne et déclamé à toute allure, avec ici une mélodie façon Kraftwerk du pauvre qui vient s’écraser sur des sons saturés ("Spier"), et là un rap à guitare qui dégénère en D&B ("Backward Silence in an Elevator"). Mais parfois, rellik (non, vraiment, ce pseudo…) accroche l’oreille. Il le fait même dès l’intro avec la petite musique entêtante qui accompagne son "Atari Kids", point d’entrée idéal dans le monde - non, pardon, la chambre - du rappeur. Souvent, le sens mélodique d'otem rellik supplée aux carences de sa voix peu assurée, sur "Hurray for Heroin" par exemple, ou sur cet "I Can’t Remember my Dreams" qu'un certain Mike Porter accompagne à la guitare électrique. C'est réussi aussi quand paroles, raps et musique trouvent le point d’équilibre, comme sur l’insistant "Something or Nothing", ou quand les titres sont adroitement séparés en mouvements ("Sick of my Home"). Alors, certes, le rap de chambre d’otem rellik a quelque chose d’extrême et de paroxystique. Mais en aucun cas, cela ne doit condamner le bonhomme. Les bons titres concentrés sur la seconde moitié de cet album apportent la preuve de son talent.

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