EPIC – Aging Is What Friends Do Together

EPIC – Aging Is What Friends Do Together

Sorti le 11 avril 2008,
chez Hand’ Solo Records.

Tout Epic est résumé dans ce titre ironique. Sur ce premier solo depuis quatre ans, et bien qu’il ait changé de label (Hand’Solo a remplacé Clothes Horse), le plus atypique des rappeurs canadiens est égal à lui-même : faussement naïf, porté sur l’auto-dérision et adepte d’un humour décalé.

Sur Aging Is What Friends Do Together, le MC grisonnant révèle son admiration pour un hockeyeur dont il ne sait plus trop s’il est russe, tchèque ou slovaque (« Ah Hemsky »), il ne désespère pas de devenir un rappeur crédible, même s’il habite dans un patelin, qu’il porte des lunettes (« Walking Around Town ») et que ses ambitions musicales ne font pas de lui un séducteur (« Move Home »). Et il nous signale, en se comparant sur un ton pince-sans-rire à Public Enemy et à Big Daddy Kane, que les plus radicaux des rappeurs dorment eux aussi avec des chemises de nuit (« Sleeping Shirts »).

Avec cet éternel numéro de clown triste, avec ce statut de rappeur blanc perdu au fin fond des prairies canadiennes, ces cheveux poivre-sel qui trahissent son âge, cette voix timide qui paraît bien terne après le déchainement verbal d’un Bleubird (« Music Appreciation II ») et cette prédilection pour les boucles de guitare, certains, ceux qui ne viennent pas du rap, ont pu imaginer à tort qu’Epic n’avait pas grand chose de hip-hop. Mais cela est faux, mensonger, à côté de la plaque.

Tout décalé qu’il soit, Epic respecte avec scrupule les canons du genre. Ses références en viennent, exclusivement. Il joue et se joue des clichés rap à coup de « bitch » et de « gun », il salue ses homies, il rend hommage à sa scène locale (« The City »). Et il s’emploie une bonne fois pour toutes à affirmer sa filiation unique sur « I Only Like Rap », une mise au point qu’il conclut par un définitif :

Fuck Radiohead, this is Epic,
I don’t rock, I rap !

Va te faire foutre Radiohead, ici c’est Epic,
Je ne fais pas de rock, je rappe !

C’est le même Epic que sur les deux albums précédents. Même si les sons, eux, sont un poil moins convaincants, moins consistants, du fait sans doute du grand nombre de beatmakers conviés par le Canadien sur ce nouveau disque. Soso produit encore le tiers des titres, mais cette fois Maki, Kutdown, Kils, Factor, Variax, Mattr et le français Roma se pressent également aux manettes.

La formule est conforme au style habituel du rappeur. Comme dit plus haut, les guitares ont la part belle et le rythme est globalement indolent, tout comme avant. Toutefois, à l’inverse des sorties précédentes, domine sur cet album une impression de facilité, une absence de solidité, dues peut-être au retrait de soso (il y aurait d’ailleurs de l’eau dans le gaz entre les deux compères…), même si un Factor ou un Maki ne déméritent pas. Pour cette raison, sans doute faudra-t-il goûter d’abord à Local Only et à 8:30 In Newfoundland pour se faire à Epic. Mais pour ceux qui ne sont plus à convaincre, Aging Is What Friends Do Together compense ces quatre longues années d’attente.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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