SAGE FRANCIS – A Healthy Distrust

SAGE FRANCIS – A Healthy Distrust

Le précédent album de Sage Francis, Personal Journals, lui a apporté les faveurs d’un public étranger au hip-hop. Rien d’étonnant pour ce rappeur signé sur Anticon et capable, sans quitter le champ du rap, de flirter avec une sensibilité rock. Avant cela, néanmoins, la série des mixtapes Sick Of…, son activisme sur la scène spoken word et sa victoire à l’édition 2000 du Scribble Jam avaient dévoilé en premier lieu un rappeur d’une virtuosité et d’une aisance redoutables. Plus tard cet album, A Healthy Distrust, nous remémore cela. Plus dense et plus intense que le précédent, supérieur aussi au Hope de son duo Non-Prophets, il rappelle que Sage est, avant toute chose, un rappeur possédé.

Tout au long, s’affiche un Sage Francis au sommet. Un Sage Francis remonté, haletant, en verve, moins geignard que sur Personal Journals et qui, dans le contexte post-électoral du début 2005, se lance dans de longues tirades politiques et enflammées. Fort de son expérience de slam poet, il passe sans accroc de la diatribe (contre les politiques américains, la religion, la guerre, le rap, la fascination pour les armes à feu…) à l’introspection (les blessures de l’amour, celles de l’enfance…), avec ce qu’il faut de hargne et de talents d’écriture pour ne pas tomber dans le piège d’un rap « conscient » lénifiant, ni donner raison à ceux qui veulent le réduire à une commode étiquette « emo-rap ».

Et pour ne rien gâcher, malgré une production à plusieurs mains par la crème de l’underground (Danger Mouse, Alias, Sixtoo, Controller 7, Daddy Kev, Joe Beats, Reanimator…), cet album n’est plus le patchwork musical éclectique de Personal Journals. La présence chez Epitaph, label punk hardcore dont Sage est le premier rappeur, ne doit rien au hasard : un fond rock affleure de l’album, grâce à sa voix d’ours enroué, aux guitares, à ces titres qui finissent tous par exploser. Malgré la diversité des sons et des thèmes, il l’unifie. Le rappeur ratisse large, paraphrasant Public Enemy (« Dance Monkey »), collaborant avec Will Oldham (« Sea Lion »), rendant un vibrant hommage à Johnny Cash avec guitare et harmonica (« Jah Didn’t Kill Johnny »), et tout cela s’accommode et s’assemble à merveille sur cet album qui fait de Sage Francis le successeur crédible de tous ces gens à la fois.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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