YUNG MAL – 1.5 Way Or No Way

YUNG MAL – 1.5 Way Or No Way

Non, Gucci Mane n’est pas fini. Si lui ne brille plus vraiment depuis que son clone l’a remplacé, certains parmi ses protégés récents méritent notre attention. On a déjà eu l’occasion de dire tout le bien qu’on pensait de Pooh Shiesty, et Khamal Braud, alias Yung Mal, mérite lui aussi qu’on s’y attarde. Cela fait déjà quatre ans que ce dernier a été repéré par le maître. Il s’est fait remarquer par un morceau qui samplait le « East Atlanta 6 » de Guwop, et par « Str8 Out Da Pot », le titre de la révélation, avec son acolyte Lil Quill. Puis, après un hiatus marqué par la prison et par une fusillade à son endroit, celui qui a été pressenti en 2020 parmi les Freshmen de XXL a sorti plusieurs albums avec le renfort de personnalités telles que Gunna, Pi’erre Bourne, Zaytoven, King Von, Doe Boy ou Lil Keed.

Sorti sur un label tout juste lancé par son auteur, le dernier de ces albums n’est pas sans arguments. Dans la lignée du maître, Yung Mal y délivre des égo-trips absurdes de nouveau riche imbibés d’un humour qui fait mouche, avec une bonne dose d’onomatopées, de sexe et de style (ou de « drip », comme on dit là-bas à Atlanta). Et il use pour cela de son flow véloce, sur des instrumentaux qui, eux, s’avèrent très dépouillés. Les cas d’école, c’est « Custom Drip », « Pull Up To The Bank », et surtout le single « Walkin », excellent avec son piano minimaliste et, tiens donc, le renfort de Pooh Shiesty.

Mais 1.5 Way or No Way, c’est un peu plus que cela. Agrémenté de quelques mélodies mélancoliques à l’Autotune, comme « Where U Been », il est un hommage à ses proches décédés, parmi lesquels son frère (le titre de l’album est son pseudo Instagram). D’autres titres témoignent du vague-à-l’âme de Yung Mal. « Wassup With Me », où il dit que son altruisme n’a pas été récompensé, et où G Herbo, invité pour l’occasion, nous parle de ses traumatismes. « Blood In My Eyes », avec ses confessions et son piano tristounet. Le plus anecdotique « Woah Woah », où le rappeur clame devoir s’occuper de ses nièces pendant que son frère est au trou. Ce « 1.5 Way Or No Way » qui parle aussi de sa responsabilité, envers sa fille sur le point de naître, envers sa mère, envers sa bande. Et le mélodique « 10fifty I Luv Ya », à propos de désillusions et de vies gâchées, celle de Nipsey Hussle par exemple.

Yung Mal dégaine des blagues et des punchlines, il multiplie les fanfaronnades, comme sur la trap à flûte de l’admirable conclusion de « Stay Down ». Mais souvent, son ton dit tout autre chose : il est accablé, plutôt que vantard et rigolard. Parfois, on s’enfonce dans la noirceur et la menace, comme avec « Hectic », un morceau qui, très sensiblement, s’éloigne de la posture potache de Guwop. Au vu des meilleurs titres dans ce registre triste, celui qui distingue le rap de rue d’aujourd’hui de celui de Gucci Mane, on voudrait promettre à Yung Mal un grand avenir si, comme Pooh Shiesty, et tant d’autres, il ne croupissait pas en prison ces jours-ci. Pour une histoire de meurtre, rien que ça.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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