SNOOP DOGGY DOGG – Doggystyle

Avec Doggystyle, c’est la première fois que le premier album d’un jeune artiste atteint directement la tête des ventes de disques aux Etats-Unis. Mais à vrai dire, Snoop Dogg (alors Snoop Doggy Dogg) n’est alors pas tout à fait un nouveau-venu. Il a déjà amplement participé à The Chronic, le chef d’oeuvre de son mentor Dr. Dre. Il s’y est fait remarquer par cet étonnant contraste entre un phrasé nonchalant et des paroles plus qu’explicites. Par ailleurs, plus encore que sa musique, l’arrestation du rappeur pour une sombre affaire de meurtre contribue alors largement à sa célébrité. Après que son garde du corps a tiré sur un homme pendant qu’il conduisait la voiture, le rappeur s’est livré aux autorités, suite à un show sur MTV. Plaidant la légitime défense, il sera disculpé en 1996.
Sorti en novembre 93, Doggystyle a, fort heureusement, bien d’autres atouts que la réputation sulfureuse de son auteur. Le moins que l’on puisse dire est que la patte de Dr. Dre se voit. Ce nouvel album applique à la lettre les règles édictées par The Chronic. Il se présente dès « G Funk Intro » comme son semblable, rempli comme lui de beats énormes, d’abondantes nappes de synthétiseur, d’une ambiance cool malgré des paroles crues, et bénéficiant des mêmes collaborations. Les titres les plus connus de Doggystyle sont évidemment les singles, un « Gin & Juice » tout à la fois évident et inquiétant, et surtout un « Who Am I (What’s My Name)? » largement inspiré de George Clinton et presque insupportable à force d’être joué et rejoué sur toutes les radios et télés de la terre.
Il faut compter aussi avec un « Tha Shiznit » dépouillé, tout en flûtes, les inquiétants gimmicks et ligne de basse de « Lodi Dodi », le vindicatif « Serial Killa », et puis dans le même style, avec les chœurs et synthés de « Murder Was The Case », dont la vidéo permettra à Snoop Dogg à 1994 d’exploiter son procès à des fins marketing. Tous ces titres, les meilleurs, sont au début de l’album.
Après « Who I Am ? », toutefois, Doggystyle continue en roues libres (des roues de décapotable, on imagine), exploitant à fond des recettes qui fonctionnent, à l’image du très attendu « Gz And Hustlas » et du titre de conclusion, « Pump Pump ». Notons aussi l’utilisation de plus en plus fréquente de chœurs féminins, heureuse sur « For All My Niggaz & Bitches », plus limite sur le sirupeux « Doggy Dogg World » qui remet sur le devant de la scène la soul des Dramatics. A retenir, peut-être aussi, un « Aint No Fun » qui ressemble presque à un vrai titre de funk (le rappeur chante !).
Doggystyle est un grand album, l’une des perles laissées par le g-funk, cette suite cool et funky au gangsta rap qui triomphe alors. Mais un grand album qui, même si le rappeur est l’un des plus attachants qui soient, souffrirait sans son beatmaker. En effet, privé de la production de Dre, Snoop Dogg, toujours star et libéré de son inculpation, ne reviendra qu’en demi-teinte avec The Doggfather (critiques mitigées, ventes insatisfaisantes), et il ne parviendra jamais vraiment à égaler ce classique.