KASH DOLL & DJ DRAMA – Back On Dexter
Il y a de l’opportunisme dans l’air. Certes, Kash Doll est bel et bien de Detroit. Mais jusqu’ici, son style n’avait rien de particulièrement régional. C’était du rap généraliste, délivré par une disciple de Nicki Minaj (comme toutes les rappeuses appelées « doll » quelque chose), par une apprentie Cardi B (elle aussi, a commencé par le striptease) avide de succès à grande échelle, et bénéficiant de suffisamment d’appuis dans le business pour tourner dans des séries télévisées et pour côtoyer l’intelligentsia du rap : Drake, Iggy Azalea, Juicy J, Meek Mill, Wale ou, pour rester près de ses bases, Big Sean.
Cependant, à présent que le rap de rue de Detroit est à l’ordre du jour, on la voit côtoyer ses représentants : Tee Grizzley, Icewear Vezzo, BabyFace Ray ou encore Tay B. Et cette année, alors que sa carrière n’évolue plus depuis sa maternité, la rappeuse se fend d’une sortie long format dans le style local. Back On Dexter, en effet, marque son retour dans sa ville, voire plus précisément dans sa rue, Dexter Avenue. Il s’agit d’une mixtape enregistrée avec les meilleurs rappeurs du cru, avec à la production l’un des architectes de cette scène, Joseph McFashion, le tout sous la houlette d’un DJ Drama tout récemment revenu au charbon, et qui lui aussi côtoie maintenant les gens de Detroit.
Comme souvent, cette mixtape de la série Gangsta Grillz est un objet promotionnel destiné à amener la sortie d’un nouvel album. La proximité de Kash Doll avec tous ces gens parait téléphonée, tout autant que ces blablas marketing selon lesquels cette sortie serait un retour aux sources et à l’authenticité. Mais enfin, cette rappeuse a de la tchatche. Et quand Payroll Giovanni, Peezy, Sada Baby, Icewear Vezzo, Baby Money, Skilla Baby, Tay B, Cash Kidd, ainsi que les voisins de Flint Louie Ray, RMC Mike et YN Jay, se retrouvent tous sur un seul album, ma foi, cela devient incontournable.
Back On Dexter célèbre la ville du Midwest. Ici, on emploie l’argot local, par exemple l’expression « on the flo », qui nomme le duo avec Sada Baby (et qui est aussi réussie que les titres homonymes de Baby Smoove et d’Icewear Vezzo). On ne traite que de l’obsession des rappeurs locaux : l’argent, et le luxe qu’il autorise. Sur cette mixtape, à l’exception du finale érotique R&B (très accessoire) de « Make Luv », Arkeisha Knight insiste sur le « Kash », plutôt que sur le « Doll ». Et elle s’engage dans les routines du rap du Michigan, comme ce dialogue à bâtons rompus avec Coach Joey (soit Joseph McFashion, quand il passe au micro) qu’est « LOL » ou le shit talking à la mode de Flint de « Strugglin ».
Souvent, la greffe ne fonctionne pas, elle est artificielle. Les pianos brusques de l’intro sonnent creux. Les cloches d’un « All Hype » classé X sont attendues. Antt Beatz, Helluva et Joseph McFashion ont beau s’y mettre à trois (et DJ Drama dire que, quitte à collaborer avec une fille, autant choisir la meilleure), « Add It Up » sent le réchauffé. On est dans la formule avec « Legit », un duo avec Payroll Giovanni qui sonne plus Doughboyz Cashout que nature. On préfère presque les morceaux où la rappeuse s’efface au profit des autres, par exemple le détonnant posse cut « Oh Boy ». Au bout du compte, Kash Doll surjoue le style de Detroit, elle le surexploite. Mais enfin, il le mérite bien.
