FUTURE – Monster

FUTURE – Monster

Si certains doûtent du bien-fondé des mixtapes, s’ils questionnent l’utilité d’exposer à tout vent sur le Web ce qui est devenu, avec le temps, des albums gratuits, qu’ils se penchent sur le parcours de Future. Le porte-drapeau de la post-trap portée sur l’Auto-Tune et la vulnérabilité, par deux fois, a capté les regards par un usage malin de ce format. En 2011, True Story et Streetz Calling ont préparé le terrain à l’historique album Pluto. Et quand le second opus, Honest, a été accueilli fraîchement, Future s’est régénéré par de nouveaux projets gratuits tels que Beast Mode et 56 Nights. Sortis l’année d’après, ils ont préparé le terrain au succès critique récent et considérable de l’album DS2.

Ce regain débute fin 2014, avec la première mixtape de la série, conçue avec l’aide de Metro Boomin et de d’autres valeurs sûres de la production rap d’Atlanta, Southside et TM-88. Le titre, la pochette, une sortie à Halloween : tout annonce alors que Future dévoile sur Monster sa face la plus sinistre. Le rappeur revient aux bases. Il proclame sa radicalité par l’insistance d’un mantra sur l’un des premiers titres (« Radical »). Il vante sa spontanéité (« Fuck Up Some Commas »). Et à la fin, sur « Codeine Crazy », il dit enregistrer sa musique comme il le ferait avec une démo. Et c’est ce qui lui réussit.

Future se met à nu, notamment sur le déchirant « Throw Away », un titre en deux temps à propos de sa rupture douloureuse avec la chanteuse Ciara. Cet épisode passe mal, le rappeur expose crûment sa peine. On perçoit de la douleur dans sa voix, on l’entend déclarer la gorge nouée son amour persistent pour son ancienne compagne. Pour autant, Future ne donne pas dans le sentimentalisme fleur bleue. Il ne montre aucun remord pour ses incartades adultères. Dans un accès de sexisme patenté, il s’étonne au contraire que Ciara soit heurtée par sa liaison avec une femme-objet, avec une rien-du-tout, à qui il déclare, durement : « je ne veux pas de relation, je ne veux que ton visage ».

De fait, pour l’essentiel, Future fait toujours de la trap. Il en élargit la palette, mais ses ingrédients sont là. Les fanfaronnades, sur cette intro qui réaffirme l’importance du rappeur pour la musique de son temps, et sur « After That », un titre où intervient le seul invité, Lil Wayne. L’ode aux complices, les vivants comme les morts (« My Savages », le sublime « Hardly »). La misogynie, totale et assumée (« Monster »). Et la drogue bien sûr, présente dans les textes, comme avec le conclusif et vaporeux « Codeine Crazy », et de façon à peine plus masquée dans sa manière de délivrer ses raps habités.

Avec Monster, Future délivre un nouveau manifeste. A peu de choses près, c’est un nouveau départ que nous propose celui qui, avec cette sortie comme avec celles qui ont suivi, s’est remis sérieusement en course pour s’affirmer comme le plus grand rappeur de la décennie.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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