LL COOL J – Mama Said Knock You Out

En 1990, LL Cool J n’a que 22 ans. Il est pourtant, déjà, un vétéran du rap. Un has been, même. Après avoir été sa grande star au milieu des années 80, James Todd Smith semble mal armé pour suivre ses pairs dans la nouvelle décennie. Son allure de rappeur love en bob Kangol, consacrée en 1987 par l’immense succès de « I Need Love », la première grande ballade du rap, jure un peu à l’époque des rappeurs gangsta et des prêcheurs afro-centristes. Sur son quatrième album, cependant, il s’efforce de casser son image et de présenter un visage plus dur, pour se mettre au diapason de l’époque.
Le titre qui remet les pendules à l’heure, c’est « To Da Break Of Dawn », l’un des diss tracks les plus remarquables de l’histoire du rap. Avec rage et verve, LL Cool J y poursuit son vieux beef contre Kool Moe Dee, auquel il ajoute deux nouvelles cibles : MC Hammer, afin de se démarquer de la variété rap ; et Ice-T, pour prouver que les gangsters ne lui font pas peur. Ce ton offensif, il l’a aussi sur le retentissant titre éponyme, un énorme uppercut en pleine figure. Et pour souligner cette humeur batailleuse, en plus de cette pochette où il a l’allure d’un boxeur, LL Cool J se fait seconder par le grand Marley Marl, qui lui concocte des beats de circonstance, des qui cognent et qui bondissent.
Le rappeur, pour autant, ne se renie pas. Il confirme sa passion pour les gros sons sur « The Boomin’ System ». Il est toujours romantique sur « Around The Way Girl » et un conteur narquois sur « Mr. Goodbar » et « Cheesey Rat Blues ». Il se lance dans de bons vieux égo-trips sur « Eat Em Up L! (Chill) ». Il renoue avec l’esprit live du rap d’autrefois sur « Murdergram », celui que les rappeurs exhibent dans les rues (« Farmers Blvd. ») ou dans les clubs (« Jingling Baby »). Notre homme est fidèle à ses racines, mais il excelle dans les domaines de ses contemporains, qu’il s’en prenne à l’arbitraire de la police (« Illegal Search ») ou qu’il joue du registre religieux (« The Power Of God »).
Avec ce Mama Said Knock You Out, comme plus tard avec sa carrière d’acteur, LL Cool J prouve qu’il est une exception : il est un rappeur qui sait vieillir. On ne peut pas toujours en dire autant de ses albums, malheureusement. Ils n’ont pas tous passé avec succès l’épreuve du temps. Mais celui-ci, en grande partie, est une exception. Il reste, encore aujourd’hui, son plus solide et son plus percutant.