THE GO-GO’S – Beauty & The Beat

THE GO-GO’S – Beauty & The Beat

Dès la fin des années 70, l’industrie du disque s’empare des recettes du mouvement punk. Elles les repackage pour en faire une musique plus facile à vendre au grand public : la new wave. Tel est, en gros, l’un des mythes fondateurs de la mouvance hardcore apparue aux Etats-Unis à peu près à la même époque, celui qui rejette ce punk taillé sur mesure pour les masses et qui souhaite que leur genre de prédilection demeure abrasif et infréquentable. Cependant, comme beaucoup de mythes fondateurs, tout cela n’est, en gros, qu’une grosse connerie.

Enfin non, pas tout à fait.

Il est vrai qu’une portion du punk, sans forcément que l’industrie du disque le lui ait demandé, arrondit rapidement les angles pour conquérir les foules, soit en s’inscrivant dans le mythe d’un rock’n’roll régénéré façon The Clash, soit en jouant ce registre bubblegum qui est celui de Blondie, ou bien encore celui des Go-Go’s. Pour autant, est-ce bien la peine de crier à la trahison ?

Non, car outre les frasques très rock’n’roll et le caractère indomptable des cinq filles de Los Angeles, c’est toujours du punk, soit une musique énergique, pleine de clarté et de concision, nourrie d’hormones adolescentes, de guitare frénétique et de basse bondissante, que les Go-Go’s proposent sur ce premier album tapageur, leur meilleur. D’ailleurs, avant 1977, aurait-il été imaginable qu’un groupe 100% féminin prenne comme elles le contrôle de sa destinée, sans qu’un Pygmalion mâle, producteur ou manager, n’agisse quelque part en sous-main ? Non.

Les Go-Go’s, c’est toujours du punk, avec une seule différence : cette bande de filles gomme l’ambiance noire et sinistre associée au genre. Elles en proposent même l’exact contraire : une musique proprette pleine d’harmonies vocales, de refrains cajoleurs et de paroles jubilatoires qui sentent l’optimisme et la jovialité. Elles oublient le cynisme et l’ironie, au profit du ton ingénu de l’adolescente en fleur. Elles se montrent prêtes à prendre possession de la ville (« This Town », « Tonite »), elles font part de jalousies et de chagrins d’amour typiques de cet âge, tragiques, mais en même temps pas bien graves (« Skidmarks On My Heart », « How Much More », « Lust To Love »), ou bien elles évoquent leur première fois (« Automatic »).

En grattant bien, l’envers du décor apparait ici ou là, sur « This Town » par exemple…

We’re all dreamers
We’re all whores, discarded stars
Like worn out cars
Litter the streets of this town

Nous sommes tous des rêveurs
Nous sommes toutes des putains, des étoiles déchues
Telles des voitures usées
Qui jonchent les rues de cette ville

… ou sur ce « Can’t Stop The World » qui incite à l’action, tout en admettant l’ingratitude de la vie. Mais l’album, pour l’essentiel, est une collection de tubes extatiques. Et tout ceux là, tous ces « Our Lips Are Sealed », « Lust To Love », « This Town », « We Got The Beat », « You Can’t Walk In Your Sleep » et « Fading Fast » jouissifs, tous les titres, loin de trahir les principes de sobriété et d’urgence de la révolution punk, démontrent leur portée et leur pertinence en-dehors du contexte de sa naissance. Cela n’est donc pas une trahison, mais un triomphe.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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