SLICK RICK – The Art Of Storytelling

S’il faut citer l’album historique de Slick Rick, c’est bien évidemment The Great Adventures Of Slick Rick, sorti en 1988, qui vient à l’esprit. Sur son premier album, l’Anglo-Jamaïcain et New-Yorkais d’adoption a élargi la palette du rap au-delà de l’égo-trip habituel ou du commentaire social, en s’imposant comme le grand conteur du hip-hop. Cet art du storytelling, le Ruler en est à tel point le maître incontesté, qu’il en donne le nom à son quatrième album, celui d’un nouveau comeback, après une série de mésaventures de natures pénales et carcérales.
A cette époque, Slick Rick a déjà apporté sa pierre au grand édifice rap. Cet album ne doit être qu’une énième démonstration de son talent, et ne rien apporter de plus que ses prédécesseurs. Cependant, profitant du renfort des plus grands noms de l’époque ou d’avant (Snoop Dogg, Nas, Q-Tip, Raekwon, Big Boi, Redman, Reverend Run) et bénéficiant d’une production en phase avec son temps, plus sophistiquée qu’autrefois, ce disque-là, également son plus gros succès commercial, est peut-être le plus abouti de tous. Produit par une palanquée de gens (Clark Kent, les Trackmasters, Jazze Pha, Ty Fyffe, Kid Capri et S&S pour les plus connus), il est rempli de perles, dès ce charmant « Street Talkin' » où Slick Rick s’essaie au chant avec l’appui de Big Boi.
Ce n’est pas un boom bap retentissant et rentre-dedans qui est de mise ici, les beats sont plutôt du genre délicats. Mais c’est justement ce qui convient à Slick Rick, à ce débit nonchalant mais assuré qui a déjà fait la force de son premier album, à ce flegme qui est la seule trace de sa nationalité britannique, à ce talent de conteur resté intact, comme il le prouve sur ce « Who Rotten ‘Em » à propos d’un rappeur antique amené à la cour du pharaon, et sur ce « 2 Way Street » qui le voit résister par deux fois à la tentation de l’infidélité.
Aussi, cet homme qui a fait de la prison pour de bon (pour tentative de meurtre encore qui plus est…), se moque avec délice des stéréotypes gangsta sur « Kill Niggaz ». Avec un mélange de sarcasmes et d’égo-trip, Slick Rick se positionne comme un vieux sage amusé des frasques de ses successeurs. In fine, il n’y a guère que les titres finaux, des enregistrement live avec son compère historique Doug E. Fresh (parmi lesquels leur classique « La Di Da Di »), qui gâchent un peu le tableau, tenant plus du documentaire que de l’album. Ils font tache sur ce disque chiadé qu’on a le droit de trouver plus abouti et mieux vieilli que The Great Adventures Of Slick Rick, quitte à froisser ces puristes du rap. Lesquels, de toute façon, ont toujours tout faux.