ROBERT JORDAN – A Crown of Swords (Une Couronne d’Epées)

ROBERT JORDAN – A Crown of Swords (Une Couronne d’Epées)

A quoi voit-on, au milieu de la saga fleuve La roue du temps, que le récit périclite, que l’on traverse le ventre mou de l’histoire ? Aux répétitions. Pas simplement celles qui touchent à l’écriture et au style narratif. Celles-là, elles existent depuis le commencement. Dans tous les épisodes de la série, Robert Jordan multiplie les tics de langage. Il décrit souvent les mêmes gestes, il engage ses personnages dans d’épuisantes et récurrentes réflexions sur ce qui sépare les hommes des femmes. Mais à présent, en plus de cela, les péripéties que traversent nos héros ont un sérieux air de déjà vu.

Cette fois encore, tout se termine par un duel à mort entre le Dragon Réincarné et l’un des Forsaken, auquel se mêlent, de manière trouble, une troisième force. A nouveau, un royaume s’ajoute à la liste des conquêtes de notre héros, presque sans coup férir. Et l’apothéose rituelle se déroule dans un lieu familier, où Rand met les pieds pour la troisième fois. On a le sentiment que l’auteur s’est senti obligé d’écrire une nouvelle fin mouvementée, mais que le cœur n’y était qu’à moitié. Non seulement l’affrontement final est-il vite envoyé, mais il arrive aussi comme un cheveu sur la soupe. Rien, ou peu, y a préparé le lecteur dans les chapitres précédents, à moins de remonter mille pages en arrière.

Il y a de quoi perdre le fil, d’autant plus que le récit se fait chaotique et que les aventures traversées par les héros semblent ne plus avoir de but, ou alors à très long terme. Dans A crown of swords se déroule pourtant une quête, en parallèle des aventures de Rand, celle de la Coupe des Vents, entamée par Elayne, Nynaeve, Mat, Aviendha et d’autres dans le livre précédent, et prenant place dans la cité glauque d’Ebou Dar. Mais son dénouement, là encore, se montre paresseux et frustrant.

Certains passages sont encore captivants. Au début, quand le héros fait son retour à Cairhien et qu’il découvre une usurpatrice sur le trône, la tension dramatique est à son comble. Mais ensuite, de nombreux chapitres ne sont plus que remplissage, la palme allant à ce moment grotesque où Mat se fait littéralement violer par Tylin, reine d’Altara, avant de décider que, finalement, c’était bien sympa de se faire agresser… Curieux, de la part d’un auteur qui, partout ailleurs, se veut correct à l’excès.

Dorénavant, toutefois, Robert Jordan cesse d’alimenter le récit en nouveaux intervenants. Ou tout du moins, il le fait à dose raisonnable, permettant au lecteur de les digérer, de s’en souvenir, de garder ses marques. De plus, ces nouveaux protagonistes se montrent plutôt attachants et hauts en couleur, à l’image de Cadsuane, une Aes Sedai de légende tout juste sortie de sa retraite, ou du Kin, une société secrète de magiciennes exclues de la Tour Blanche. Pour le reste, ce ne sont plus que de vieilles connaissances qui interviennent : le maléfique Padan Fain et la néfaste entité Mashadar, ou bien encore les envahisseurs Seanchan, qui se lancent dans une violente contre-attaque.

Le jeu d’échecs que nous présente Robert Jordan reste complexe. Plusieurs mystères demeurent sans réponse. Qui donc a tué Asmodean ? Qui sont ces nouveaux Forsaken qui font leur apparition ? Rand al’Thor devient-il fou, ou la voix qu’il entend est-elle bien celle de Lews Therin, l’homme dont il est censé être la réincarnation ? Pourquoi le Dark One semble-t-il décidé à le laisser régner sur le monde ? Mais au moins, cette fois, l’échiquier cesse de s’agrandir, les pièces ne se multiplient plus. Il ne reste plus qu’à embrasser tout cela d’un regard, et à attendre que le faisceau d’intrigues que nous présente l’auteur finisse un jour par atteindre son dénouement et par devenir pleinement intelligible.

Acheter ce livre en VO 
Acheter ce livre en VF

The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *