ORPHANS OF CUSH – White Noize

ORPHANS OF CUSH – White Noize

Une certaine forme de snobisme pourrait nous amener à préférer ceux qui, en Angleterre, ont transformé le hip-hop en autre chose (trip hop, grime, UK drill ou je ne sais quoi), à ceux qui se sont contenté de singer les Américains. L’innovation, le renouvellement des formes, le génie national, sont des notions souvent valorisées, quand il est question de musique. Néanmoins, il ne faut pas écarter d’un simple revers de main les admirateurs sincères des cousins d’Outre-Atlantique, ceux qui ont voulu jouer le jeu du rap selon les règles de ses géniteurs, plutôt que d’en inventer de nouvelles.

Parmi ceux-là figurent les membres les Londoniens de Triple Darkness, et notamment Melanin 9 (ou M9) et Cyrus Malachi, deux rappeurs qui s’illustreront dans cette veine au cours des années 2010. L’une de leurs premières traces est un album sorti en 2009 par les Orphans of Cush, un groupe que ces deux hommes forment alors avec deux autres compères, Masikah et Kyza. Celui-ci, relativement confidentiel, est néanmoins cité parfois, quand sont listées les meilleures œuvres de rap anglais.

White Noize, c’est son nom, prend la forme d’un album, mais en vérité, son format est plutôt celui d’une mixtape. Ses compositions ne sont pas des originales. Le but des auteurs est avant toute chose de démontrer leurs compétences verbales d’un flow postillonnant, l’un après l’autre, sans l’artifice d’un refrain. Signe de leurs révérences pour leurs collègues américains, ils s’expriment sur des sons qu’ils ont dénichés de l’autre côté de l’océan, des beats de préférence ténébreux, de grosses boucles bien insistantes formées de samples rétros malsains et maltraités, et rythmées de manière implacable par des percussions lourdes, par des basses profondes, et parfois même par des scratches.

Les partis-pris sont datés, comme ceux, exprimés sur « Black Saphire », à propos d’un idéal féminin qui respecterait son corps (comprendre, qui resterait bien sage à a maison). L’humeur en berne et pessimiste face aux injustices du monde, celle du très bon « Why » par exemple, appartient à une autre époque. L’imagerie, la gestuelle, le style verbal et le son de ces orphelins de l’herbe sont proprement anachroniques en 2009. Tout cela est très, très marqué par les années 90, celles du rap de rue new-yorkais. Le quartet de Londres est de manière très évidente, un rejeton du Wu-Tang Clan. Accents anglais mis à part, on est à deux pas de la caricature, et à deux doigts d’en rire.

Mais au bout du compte, c’est du sérieux. Le groupe est là pour défendre le vrai truc, avec l’idéologie anti-mainstream qui va avec (« Pop Tarts »). A quelques problèmes de souffle près, les Ophans of Cush nous transportent au bon endroit, au bon moment. Le minimalisme noir de « White Noize » nous ramène dans la jungle urbaine de Mobb Deep. « The Struggle » reprend l’instru du « Rainy Dayz » de Raekwon, chants de Blue Raspberry inclus. « Pillage 09 » est plus Wu que nature avec ses pianos minimalistes et son clin d’œil à Cappadonna. Mais en vérité, qui oserait s’en plaindre ?

« We got the formula », disent les Orphans of Cush sur ce dernier morceau, à juste titre. Tout cela sent bon l’asphalte, et au bout du compte, on se moque d’en connaître l’année, on se fiche de savoir si c’est l’odeur des rues de New-York qui s’échappe de cet album, ou bien celles de Londres.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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