NUTSO THUGN – Apeface

Un jour, Nutso Thugn a chipé un son de Brodinski dans la mailbox de Lotto Savage, l’acolyte de 21 Savage, alors de passage chez lui. Il a posé dessus, puis il a envoyé le résultat au producteur français. Celui-ci n’a pas tout de suite apprécié l’approche, mais au bout du compte, ces deux-là se sont découverts. Un peu plus tard, en 2020, ils ont délivré un projet commun, Red. Ils ont commencé une relation fructueuse, qui a mené l’homme d’Atlanta à collaborer avec un autre rappeur d’ici, Jwles, sur tout un EP. Tout cela l’a conduit, aujourd’hui, à être plus apprécié chez nous qu’en Amérique, tout comme cette plugg music à laquelle il est associé, un sous-genre apparu là-bas et qui, par ces étonnantes circonvolutions où s’engage parfois la musique, a fait souche dans nos contrées.
Nutso Thugn fait du SoundCloud rap. La plateforme a été son canal privilégié de diffusion de sa musique. Elle l’a conduit à collaborer avec des gens de la même tendance, par exemple Slimesito. Inspiré par la génération précédente d’Atlanta, celle de Gucci Mane, de Young Thug et de Peewee Longway, ce rappeur et producteur issu lui-même de la Zone 6 délivre une version atmosphérique et solitaire de leur formule. Il s’agit d’une sorte de trap de chambre, doublée comme souvent chez ses pairs d’une sensibilité rock. Son dernier album, un très solide Apeface, qui reprend son thème du singe (comme Ape II Society et Apes & Snakes, l’an passé), en est un nouvel exemplaire marquant.
C’est de la trap music moderne. Ce sont ses rythmes, ses mélodies simples et son rap saccadé. Ce sont aussi ses onomatopées et ses propos outrageants sur les femmes à maltraiter, sur les « négros » à abattre, sur le sang à répandre, sur son glizzy à garder à porter de main, sur le Percocet à gober.
Mais c’est plus sombre et minimaliste, plus porté sur la menace et sur la violence. Ça s’approche parfois de la facette la plus expérimentale et dissonante des musiques électroniques, comme avec le titre « No Warnings ». Quant aux raps de Nutso Thugn, ils sont parfois murmurés, et parcourus sans cesse de ces « whoah whoa » qui sont sa signature. Avec ce type de rap, la litanie des clichés tourne au concept. L’ensemble, une suite de titres très courts, est monolithique et compact, d’autant plus qu’un seul autre rappeur est invité ici, King Kobi, sur le très bon « Militant ». Ce ne sont pas des tubes, mais c’est un bloc. C’est de la musique immersive où s’enfoncer sans rémission et sans hésitation.
PS : cet article doit beaucoup au suivant, la principale source d’information écrite sur le Net à propos de Nutso Thugn. Signe de l’étonnante visibilité de cette école de rap chez nous, il est en français.