NICE & SMOOTH – Ain’t A Damn Thing Changed

NICE & SMOOTH – Ain’t A Damn Thing Changed

Ne vous fiez pas au titre très « rap conscient ». Sorti chez RAL Records, une émanation de Def Jam, le deuxième et meilleur album du duo Nice & Smooth ne donne pas dans le hip-hop à messages, pessimiste et sentencieux. C’est même plutôt le contraire. Au moment où New-York prépare sa riposte, avant qu’il ne batte les gangsters californiens à leur propre jeu avec un rap de rue austère et plus sérieux que la mort, Greg Nice et Smooth B perpétuent pour quelques temps encore l’esprit joyeux et insouciant de la old school et du Golden Age.

Côté beats, le duo donne encore dans une musique up-tempo sautillante et funky, voire mélodique. Nos rappeurs, en effet, n’ont rien contre les refrains accrocheurs. Ils le montrent dès le bien nommé « Harmonize ». Ils ne sont pas hostiles non plus aux jolies boucles de guitares, par exemple celle du « Fast Car » de Tracy Chapman, sur « Sometimes I Rhyme Slow », le single qui les popularisent. Ils ne cessent de parsemer leurs titres de chœurs suaves (« Harmonize », « How to Flow », « Hip-Hop Junkies »). Et ils osent aussi une escapade réussie dans le raggamuffin jamaïcain sur un « Paranoia » tout en saxophone scintillant.

Côté paroles, les périls du ghetto apparaissent parfois, en arrière-plan, comme avec les vers sur la drogue entendus sur « Sometimes I Rhyme Slow ». Mais c’est loin d’être le cœur du sujet. Nos deux rappeurs préfèrent, sans misogynie, se lancer dans une chronique de l’infidélité et de la jalousie ordinaires (« Cake & Eat It Too »), s’adonner aux plaisirs du sexe (« Sex, Sex, Sex »), donner dans un égo-trip bon enfant et évoquer des images surréalistes (« How To Flow ») ou inviter toute une ribambelle d’amis, parmi lesquels un certain Guru, sur un posse cut léger (« Down The Line »), déclamé dans un style battle purement ludique.

Les deux compères, jouant de leurs voix complémentaires, l’une tranchante (Greg Nice), l’autre plus cajoleuse et nonchalante (le bien nommé Smooth B), n’ont encore d’autre but que d’exhiber leurs talents au micro. Ce n’est donc pas le titre, décidément, qui annonce le mieux le contenu de ce disque réjouissant, mais plutôt la pochette, avec son soleil couchant. Sur cet album, en effet, brûlent les derniers feux d’un esprit festif qui va disparaître de New-York, quand la capitale du hip-hop s’enfoncera pour longtemps dans la nuit d’un rap dur, froid et hostile.

Acheter cet album

Evaluez cet article !

The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *