MOSHE – Tending To The Sheep
Garder les moutons. Le titre ironique de cet album laisse penser que Moshe et ses amis s’attaquent aux réflexes moutonniers des fans de hip-hop, ce qui est confirmé par certains propos (« Elbow »). Et cette volonté de sortir des sentiers battus se confirme par le caractère étrange de quelques titres (la trompette de « The Sheep »). Mais en vérité, ce disque n’est pas si original qu’il le voudrait.
Il est un peu la somme de tout ce que le rap dit « indépendant » a produit jusqu’ici. De l’abstract hip-hop plus-dark-que-moi-tu-meurs (« Miles Away ») ou légèrement expérimental (« The Hole »). Du turntablism (« Good Golly Miss Molly »). Du rap urgent qui rigole pas (ce « Winter Winds », avec en arrière-plan la musique de la pub où Zidane enfile ses chaussettes). De la drum’n’bass (« Miles Away III »). Des cordes larmoyantes (« Hand Of Fate »). D’autres cordes plus soutenues sur le « Be Found » de la rappeuse Sontiago, l’un des titres saillants de l’album. Et même, sur le titre « Paralyzed Identity » (et par-dessus un sample de la reprise par Mazzy Star du « Five String Serenade » d’Arthur Lee), une sorte de R&B. Ou tout du moins, si ce terme est impropre, un chant féminin très maniéré.
Mais au fait, c’est qui au juste, Moshe ? Moshe, c’est Marc Shepard, patron du label Milled Pavement, DJ et producteur de la scène de Portland. Pas le Portland de la Côte Ouest, mais la ville plus petite à l’autre bout des US, dans le Maine. Celle dont les ressortissants actuels les plus « connus » de « ceux qui connaissent » sont Nomar Slevik et JD Walker. Cette même ville où Sole et ses potes vivaient avant d’aller fonder Anticon sous le soleil californien. La parenté avec le label à la fourmi pointe, souvent, et pas seulement parce que DJ Mayonnaise est présent sur « Winter Winds ». Ce rap bizarre et éploré n’est pas bien loin de celui popularisé par nos iconoclastes favoris d’il y a cinq ans.
Cependant, Tending To The Sheep laisse sur sa faim. Il contient autant de ratage, d’à-peu-près, que de curiosités intrigantes. Tout prête à attention, mais rien n’y est franc ni évident. Rien ne rebute, mais rien n’accroche non plus. Impossible avec ce disque de savoir si ce Moshe-là saura mener la scène de Portland vers la Terre Promise. Il montre seulement que sa palette et celle de ses invités sont larges.