LIL BOOSIE – Da Beginning

LIL BOOSIE – Da Beginning

Le nom est trompeur. Da Beginning, en effet, ne marque en rien les débuts de Lil Boosie. En 2008, Torrence Hatch a déjà une discographie conséquente, faite d’albums solo, de collaborations avec Webbie et avec tous les artistes de la Trill Fam. Et bien sûr, il a sorti une bonne poignée de mixtapes. Il est même une star à Baton Rouge, voire partout ailleurs dans le Sud, grâce à sa présence (aux deux sens du terme) sur toutes les scènes de la région. Cette mixtape, cependant, est bel et bien un commencement. Elle est sortie au cœur de cette période, avant son incarcération de 2009, où le futur Boosie Badazz est le plus étincelant, où il semble sur le point d’exploser plus fort et plus loin. Et elle porte la marque de cette trajectoire, s’ouvrant avec éclat sur l’égo-trip « Undeniable Talent ».

Parcouru de sons synthétiques et dansants, ce titre ne donne pourtant pas tout à fait le pouls de cette longue mixtape de quatre-vingt minutes, pas plus que les nerveux et agressifs « Buss Ya Head Open », « Somebody Gonna Be My Victim » et « On The Grind », ou que cet « That’s My Dog » au rythme sautillant caractéristique. Plutôt que cette musique d’inspiration bounce, populaire à Baton Rouge, c’est la production de BJ, producteur maison de Trill Ent., qui la domine. Et celle-ci est davantage dans la lignée des Country Rap Tunes de Pimp C que de Mannie Fresh. Elle se montre calme, poisseuse et organique. Souvent sertis de notes d’une guitare funky, voire d’orgues et de flûtes, les morceaux sont souples et fluides, comme sur « Ain’t Coming Home Tonight » et « They Hatin' ». Cela est souvent si lent, qu’on s’approche d’une variété rétro sur « Tee Lady ».

La production accentue ainsi une évidence : Lil Boosie, en vérité, fait du rap un nouveau blues.

Le rappeur délivre une autre musique du diable. Il évoque ses activités illégales (« Feds On The Way ») et sa femme idéale doit être comme lui, un gangster (« Gangsta Bitch »). Mais l’humeur est à la dépression. Le discours est empreint de désillusion et nourri d’aigreur, d’agression et de goût pour les plaisirs immédiats. Ceux apportés par le sexe (« Let Me Ease Ya Mind », « Trying 2 Get Nasty »), ou par ces pilules qui font taire un instant les douleurs (« Take The Pain Away »). Qu’espérer de plus, en effet, de la part d’un rappeur élevé dans un bouge et handicapé par son diabète, qu’un regard pessimiste sur le monde, celui qu’il partage sur de l’admirable « Dirty World », quand il évoque sur un piano triste tout ce qui va de travers sur la planète, en tout premier lieu la discrimination raciale ?

Découvrir cette mixtape

The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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