J HUS – The 15th Day

J HUS – The 15th Day

Le parcours de J Hus ressemble à tant d’autres, d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique. Voici un homme qui a partagé sa jeunesse entre le rap et la délinquance (« hus », c’est tout simplement l’abréviation de « hustler »), délivrant ici ou là quelques freestyles marquants, et qui, à l’issue d’un séjour en prison, décide de se consacrer plus sérieusement à la première activité. Au tout début de l’année 2015, cela se traduit par l’historique “Dem Boy Paigon”, un tube que ce garçon de vingt ans cherche à prolonger par une mixtape intitulée The 15th Day, une allusion à ses bases à Stratford.

Ce que propose alors J Hus, contrairement à tant d’autres qui seront à jamais les rappeurs d’un seul titre, c’est un projet solide. Fort de cette qualité, ce dernier le propulse à l’avant-garde d’une nouvelle génération de rappeurs britanniques cooptés par leurs pairs américains, un statut qu’il consolidera deux ans après, avec l’album Common Sense.

La qualité de cette mixtape s’avère logique quand on sait qu’à l’origine, elle a été conçue comme une sortie en bonne et due forme. Il s’est agi d’abord d’un EP de neuf titres, The Ugliest, nommé d’après le surnom de J Hus (« the ugly »), pour rappeler que dans les rues de sa ville, le rappeur anglais n’a pas le bon faciès. A peu de choses près, elle a les allures d’une sortie grand public,avec ses mélodies (Auto-Tune parfois à l’appui) et ses morceaux sur les femmes (« I’m Coming », « Shawty Inda Bando », « Bangers Mash » avec Deepee des Section Boyz, « Warm It Up », « Who Are You », « Thing For You »). Avec ses romances de mauvais garçon obsédé par le sexe et par les vilaines filles, J Hus suit les pas de « Trap Queen », le tube alors récent de Fetty Wap, auquel il fait plusieurs fois allusion.

Mais l’Anglais ne se limite pas à ce thème. Au contraire, il en délivre pour tous les goûts, avec des hymnes au plaisir (« No Way »), à l’argent (« Calling Me ») et à la réussite (« Dubai »), avec des saillies vengeresses à l’encontre de ses ennemis (« Drive Me », « No Lie », « Dem Boy Paigon »), avec aussi des commentaires sur la jungle urbaine (« How It Goes ») et un monde qui préfère investir dans les armes plutôt qu’aider les gens (« Guns and Butter »). Cette diversité s’illustre aussi dans le slang employé par J Hus, issu des Caraïbes et des deux rives de l’Atlantique. Et il se manifeste dans les sons, qui condensent trente années de rap britannique en un tout influencé par la rugosité du grime londonien, les sons entêtants de la trap américaine et le rythme imparable du dancehall jamaïcain.

Eclectique, The 15th Day, est l’acte de naissance d’un genre en soi, baptisé bientôt afroswing. A l’héritage rap anglais, se greffent des sonorités africaines, comme celles de l’afrobeats. Celui dont le vrai nom est Momodou Jallow renoue avec ses racines gambiennes, mais il n’est pas le seul artisan de ce tournant. Aussi décisif est Jonathan Mensah, alias le producteur Jae5, qui a découvert ces sons après avoir vécu dans le pays de sa famille, le Ghana. C’est tout un mouvement qui s’affirme ici, avec la participation d’autres acteurs de cette transition de l’afrobeats à l’afroswing, tel le collectif NSG, présent sur « Forget A Hater », et dont deux membres sont des frères de Jae5. C’est l’étape d’après le grime et le road rap. C’est le passage à une nouvelle ère, une autre encore, pour le rap anglais.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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