EEKWOL – Apprentice To The Mystery
Le premier album acheté par Lindsay Knight est Fear Of A Black Planet, l’un des grands brûlots politiques de Public Enemy. Et plus tard, quand elle s’investit à son tour dans cette musique, c’est la même voie qui passionne la jeune femme, celle du rap à message, celle du hip-hop social. Cette dernière, cependant, ne provient pas des ghettos afro-américains de New-York. Elle est canadienne, née à Winnipeg, établie dans la province du Saskatchewan, et amérindienne. L’artiste connue sous le nom d’Eekwol, en effet, est membre de la Première Nation de Muskoday, et de culture Crie. C’est donc pour sa communauté qu’elle s’engage, devenant la première rappeuse aborigène de son pays.
Ses débuts dans le rap ont lieu vers 1998, au sein d’Innersoulflow, un groupe familial composé de cinq de ses cousins et de son frère, Mils. Ce dernier devient son producteur quand Eekwol tente une aventure solo avec le EP Soundsick, en 2002, puis en 2004, avec Apprentice To The Mystery. Cet album décroche alors plusieurs prix au sein de la communauté indigène, en plus de la considération de l’internationale underground, déjà manifeste quand Luckyiam.PSC des Living Legends intervient sur le disque d’avant et quand le beatmaker Factor invite la rappeuse sur sa compilation Time Invested.
Eekwol explore un hip-hop dans la lignée de tous ces gens, un rap verbeux aux inclinations spoken word, comme avec les premiers mots de « Apprento », porté sur l’égo-trip et sur le storytelling à message (« Too Sick », à propos d’une femme maltraitée), et parfois, aux accents old school. C’est un hip-hop arrimé aux années 90 new-yorkaises, comme le démontre « Reluctant Warrior », l’un des titres les plus saillants de l’album. Il peut flirter avec la musique électronique (« Future Wonders », « Power Of Silence ») ou employer habilement de vrais instruments, comme ces guitares jouées par Lance Knight et par Mils lui-même, et dont les plus visibles sont « All Ways », un titre aux accents bluesy, comme son sous-titre l’annonce (« Road Blues »), ainsi que le très réussi « That’s Just Me ». Mais à cela, s’ajoute donc la touche amérindienne d’Eekwol, comme les chants traditionnels entonnés par Marc Longjohn sur « Apology », quelques interrogations existentielles et des élans mystiques, qui font de la rappeuse, en quelque sorte l’héritière hip-hop d’une autre Crie notoire, Buffy Sainte Marie.