CHIEF KEEF – 4NEM

CHIEF KEEF – 4NEM

Ces dernières années, la prodigalité légendaire de Chief Keef ne s’est pas démentie. Le rappeur phare de la drill a collaboré avec Zaytoven, et il a donné des suites à ses mixtapes The Leek et The GloFiles. Cependant, aucune de ces sorties ne pouvait prétendre être une œuvre en bonne et due forme. Ce n’est que 2021 que celle-ci est apparue, sous la forme d’un album officiel, le premier depuis Dedication quatre ans plus tôt. Et mazette… l’attente valait la peine. Euphorisant et triomphateur, Chief Keef entame 4NEM en rappelant que, sorti de Chicago (il vit maintenant à Los Angeles), il est un survivant, sa grand-mère corroborant ses dires à la fin de ce premier morceau, « Bitch Where ». Et le reste de l’album, qui a tout, absolument tout, d’un grand Keith Cozart, entend bien le démontrer.

« Foenem » est un mot d’argot qui désigne à Chicago son clan, ses amis, ses proches. Et de fait, cet album ressemble à cela, à un retranchement dans ses bases. Seuls sont invités Tadoe et BallOut, les piliers du Glo Gang, le collectif de Chief Keef. Et sa musique prend la forme d’un retour aux sources. Le rappeur, en effet, y rend hommage à ses modèles. Des titres incendiaires tels que « Tuxedo », « Say I Ain’t Pick Yo Weak Ass Up » et « Picking Big Sean Up » rappellent tout ce que la drill originelle doit à Lex Luger et à Waka Flocka avec son nihilisme jouisseur et violent, avec aussi sa trap music tapageuse et conquérante qui aime décliner sur plusieurs octaves des mélodies sommaires.

Chief Keef se souvient aussi d’une autre influence, celle de Memphis, quand il emploie le style de production historique de la ville sur « Shady », quand il transforme le « Slob on My Knob » de Three 6 Mafia en “Like It’s Yo Job” (sans se départir de l’esprit X des paroles originelles), ou quand il détourne le son du « Stomp » de Young Buck, produit lui aussi par DJ Paul et Juicy J, sur son “Hadouken”.

Récemment, nous avons reproché à J. Cole ce genre de pioche dans l’histoire du rap. Mais alors que le rappeur de Fayetteville cherche à devenir l’égal et le continuateur de ses idoles, celui de Chicago, lui, ne suit que ses envies, il ne les sacrifient pas à des calculs carriéristes. Et quand il revient au son qui l’a défini, ce n’est pas pour faire du surplace. Il ne cherche pas à la rendre propre et présentable, mais bien au contraire, il le malaxe et il le maltraite, comme avec ces percussions incroyables qui rythment cette suite d’admonestations brutales qu’est « See Through », ces changements constants d’intonation qui animent les redoutables « The Talk », « Hadouken » et « Picking Big Sean Up », ou au contraire ce phrasé particulier si entêtant qu’il s’approprie sur le marquant « Yes Sir ». A part quelques passages plus transparents, comme l’Auto-Tune feignant de « Ice Cream Man », « Wazzup » et « I Don’t Think They Love Me », c’est du Chief Keef comme aux premiers jours, mais en 2021.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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