CAM’RON – Come Home With Me

CAM’RON – Come Home With Me

En 2002, Cam’Ron a déjà bien entamé sa carrière. Ami d’enfance de Mase, introduit dans le milieu du rap par Notorious B.I.G., côtoyant un temps Big L au sein du groupe Children Of The Corn, le rappeur de Harlem a été une valeur montante à la fin des années 90 avec ses albums chez Epic, Confessions Of Fire et S.D.E. Toutefois, le second n’ayant pas le succès escompté, Cameron Giles doit repartir sur de nouvelles bases. Par le biais d’un autre de ses vieux amis, Damon Dash, il rejoint Roc-A-Fella, et il réussit cette fois à se placer sur orbite. Porté par le succès des singles « Oh Boy » et « Hey Ma », son premier album pour sa nouvelle maison devient l’un des plus emblématiques du label, et il accueille ensuite toute sa bande des Diplomats, le groupe quintessentiel du rap new-yorkais de ces années-là.

Come Home With Me est un album Roc-A-Fella, à une époque où ce label devient le plus en vue du rap. L’écurie de Jay-Z et de Dame Dash offre au prometteur Cam’ron ce qui lui manquait : une production de choix. C’est encore du boom bap, mais clinquant, scintillant, fourni outre Ty Fyffe et quelques autres, par Just Blaze et Kanye West, le duo gagnant du récent The Blueprint de Jay-Z. Ils déploient ici leur musique, leurs cordes retentissantes, leurs cuivres percutants et ces voix accélérées (celle de Gwen Dickey du groupe Rose Royce sur le single phare « Oh Boy », de D’Angelo sur « I Just Wanna », de Buffy Sainte-Marie sur « Dead Or Alive »…), qui sont devenues leur marque de fabrique.

Come Home With Me, donc, est un album Roc-a-Fella. Le gros son caractéristique de Just Blaze retentit sur « Welcome To New York City », un hymne vengeur et fier qui replace New-York au centre du monde, quelques mois après les attentats 11 septembre. Il le fait aussi sur « The Roc (Just Fire) ». Et sur ces deux titres, interviennent les têtes d’affiche du label, Jay-Z, Memphis Bleek et Beanie Sigel.

Mais plus encore, Come Home With Me est un album Dipset. Dès le premier titre, après avoir positionné cette sortie comme un comeback, Cam’Ron présente au monde les autres membres du groupe, Jim Jones, Juelz Santana et Freekey Zeekey, tous massivement présents sur les morceaux d’après. Et Rsonist, l’un des Heatmakerz, le duo de producteurs des Diplomats, signe aussi quelques beats. Quant aux paroles, ces bravades de délinquant, elles sont bien celles du collectif de Harlem.

Cam’ron a toujours couru après le succès, il n’a pas rechigné à être pop. Mais au-delà du glamour et des beats luxuriants, c’est bien du rap de rue qu’il délivre, ce sont des propos de malfrat. C’est une vie partagée entre drogue, sexe et argent, qu’il relate sur « Live My Life », sur le beat du « Ambitionz Az A Ridah » de 2Pac. C’est là, au cœur du ghetto d’Harlem, que trois des Dipset nous invitent sur « Come Home With Me ». C’est cet univers, glauque, malsain, dangereux, qu’avec Juelz Santana, Cam’ron décrit sur l’haletant « Losin’ Weight Part 2 ». Quand il rend hommage à son cousin décédé Bloodshed sur « Tomorrow », il parle d’une existence menacée à chaque instant. Quant au fameux « boy » dont parle le single à succès « Oh Boy », il désigne l’héroïne, en argot des rues…

Même quand il montre son autre visage, celui d’un homme épris de la gent féminine, le rappeur reste un mauvais garçon. La preuve avec « Daydreaming », un titre humoristique à propos d’une fille trop bien pour lui (quand cette dernière l’invite à la messe, Cam’ron ne peut s’empêcher de voler l’argent de la quête…). Même chose avec « Hey Ma », son plus gros single, un titre rempli de sous-entendus licencieux, de « Stop Callin' », où les Diplomats dévoilent à leur cocu d’interlocuteur la vérité sur son épouse dévergondée, ou de « On Fire Tonight », un morceau aux allures de romance, mais qui, préconisant d’examiner les jolies filles de l’intérieur, nous parle en vérité de maladies vénériennes…

Des fanfaronnades, des histoires de filles, de la musique tape-à-l’œil et une bonne dose d’humour, le tout dans un contexte « ghetto fabulous » : pas de doute, en plus d’avoir été un retour gagnant pour Cam’Ron, Come Home With Me a donné le départ de la grande épopée des Diplomats.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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