SADA BABY – Bartier Bounty

SADA BABY – Bartier Bounty

Sorti le 25 janvier 2019,
chez Asylum Records.

Pour ceux qui, en 2017, découvrent Skuba Sada et Dat One Nigga, il n’y a pas de doute : le prochain Sada Baby est l’album rap le plus attendu de 2018. A une époque dont on se souviendra comme l’âge d’or de la scène de Detroit, le barbu furieux que Tee Grizzley a pris sous son aile apporte ce qu’il manque au rap local : une voix furieuse, un style débordant de folie, une euphorie si difficile à contenir qu’elle se traduit, dans ses vidéos, par d’étranges danses démantibulées. Et le single « Bloxk Party », avec Drego, ne fait que décupler l’attente.

Cela n’est finalement qu’en 2019, que sort Bartier Bounty. Cependant, cela n’est pas bien grave : car pour l’essentiel, il déçoit peu. Cette sortie a la particularité, pas toujours avantageuse, des albums destinés à couronner leurs auteurs au moment où ils entrent dans le giron d’une major (Asylum, en l’occurrence). Même si l’aspect général de Bartier Bounty est celui d’une mixtape, approximations sonores incluses, il arrondit les angles, il polit certaines rugosités. Casada Sorrell (le vrai nom de Sada Baby) chante même, de temps en temps. Sa cousine et collaboratrice Ashley, présente ici sur « Bonnie & Blyde » (et aperçue sur Book Of Ryan, le dernier Royce de 5’9 ») lui aurait donné cette envie d’exercer sa voix, et il s’y adonne sur « Edmore » et « Auntie Melody », étendant un registre vocal déjà large et versatile.

Le titre rend hommage à Detroit. Cartier County, en effet, ce sont les bases du rappeur, ce sont ces quartiers peuplés de petites frappes éprises des lunettes de la marque en question. La musique, pourtant, n’est pas si locale. Malgré la présence épisodique de Helluva, le producteur phare de sa ville, elle est parfois plus proche de la tradition trap music que du style de Detroit. Sada Baby, qui confesse avoir Gucci Mane et Future pour modèles absolus, s’ouvre sur Atlanta, comme le prouve la présence de Hoodrich Pablo Juan.

Toutefois, à part cette intervention extérieure (et celles, très logiques, de Drego et d’Ashley Sorrell), Sada Baby s’exprime seul. Et il fait en sorte que l’essentiel soit là : les morceaux intenses et énergiques ponctués de ces « huhh » qui sont sa marque de fabrique, les décharges d’agressivité comme « Skuba Says » et « Dumbass », qui passent en crescendo de marmonnements inquiétants à des admonestations furieuses, comme dans ce cas d’école qu’est « Unkle Drew ».

Les thèmes sont ceux d’un gangsta rap rabâché (le titre du projet et les paroles de plusieurs titres laissent entendre que Sada Baby est affilié aux Bloods), mais ces références à l’argent, au sexe, aux armes et à la drogue, ou ses fréquentes attaques envers ses adversaires comme sur « Horseplay », se télescopent de manière anarchique et inédite, mêlées de références à des joueurs de basket, l’autre marotte du rappeur. Sur Bartier Bounty, certes, Sada Baby ne délivre pas vingt autres « Bloxk Party ». Il ne magnifie pas la formule qui l’a fait connaître en 2017. Il ne la sublime pas. Mais au moins, il la prolonge un peu, ce qui demeure conforme à nos attentes.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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