DOUGHBOYZ CASHOUT – Free Roc
Oubliez tous les autres. Ne vous préoccupez pas plus longtemps de Peezy, BabyFace Ray, Tee Grizley, Babytron, Veeze et des autres. Le vrai groupe important de la scène de Detroit, c’est Dougyboyz Cashout. Ne vous souciez pas davantage de l’antique rivalité entre les Eastside Chedda Boyz et les Street Lord’z, ou de la mort de Blade Icewood. Le véritable moment fondateur pour le rap de rue du Michigan, celui qui nous a amené jusque-là, c’est quand se sont regroupés les Doughboyz et les Cashout Rich Niggaz, au milieu des années 2000, et qu’ils ont pris le relais des Street Lord’z à Westside Detroit. Tout vient de là. C’est quand ils ont commencé à sortir des mixtapes dont les titres prétendaient qu’ils gouvernaient la ville, et qu’ils ont effectivement fini par le faire.
Free Roc est un moment important dans l’ascension du groupe. Des étapes cruciales ont été franchies peu avant, à travers son association avec Helluva. Cette collaboration avec le producteur qui définira pour une bonne part le son de Detroit, les Doughboyz Cashout l’ont commencée avec la troisième édition de la série We Run The City, puis ils l’ont consacrée avec l’album suivant, No Deal On Chill. Et désormais, ils sont prêts à s’imposer au-delà des limites de leur ville : cette « mixtape », en effet, comprend un premier invité de marque étranger à l’Etat du Michigan, Young Dro, et elle est la dernière avant, en 2013, une signature décisive chez CTE World, le label de Jeezy.
Comme son nom et sa pochette l’indiquent, Free Roc est dédié à Doughboy Roc, détenu depuis 2011 pour port d’arme illégal. Malgré l’absence de celui qui est peut-être, à l’époque, le membre le plus éminent du groupe, les Doughboyz Cashout assurent. Ces N.W.A. d’une nouvelle ère s’expriment l’un après l’autre, sans pause et souvent sans refrain, sur un mode agressif et urgent, chacun avec son style : Doughboy Quis a une voix de canard vicieux à la Eazy-E, Doughboy Clay chantonne, Doughboy Josh a un flow souple et Doughboy Payroll est déjà Payroll Giovanni, il est de la graine de star. Sur des morceaux le plus souvent énergiques, tous ces gens parlent de l’expérience de la rue, de l’esprit de corps, de la chasse à l’argent et de la fascination pour les bijoux des mauvais garçons de la rue.
Avec élan, conviction et l’immoralisme attendu, les Doughboyz Cashout partagent leurs rêves d’ascension par la délinquance (« One Day »), ils confessent leur admiration pour les bandits et les trafiquants (« My Idols »), ils se vantent de la jalousie qu’ils suscitent chez les autres (« Y Dey Hate Me »), ils parlent beaucoup de fesses à travers leurs histoires de fille accrochée à son dealer (« Dope Man ») ou au sexe (« In This Bitch »), leurs incartades pornographiques machistes (« Backshot ») et leurs propos peu amènes sur les femmes, toutes inéluctablement infidèles (le redoutable « Bitch Be A Bitch »). Et ils nous ouvrent une fenêtre sur la vie ingrate de la rue (« Looking Out My Window »).
Très, très long, tendu, nerveux, mais varié, avec quelques refrains pop pour souffler (du R&B sur « Low Number », « Whatever You Want » et « Hard 4 Mines », un énième recyclage rap du « In The Air Tonight » de Phil Collins sur « Life »), Free Roc est, au mieux, l’album le plus abouti des Doughboyz Cashout, et au pire, une autre pièce de choix de ce run incroyable du début des années 2000. Cette épopée, malheureusement, subira un coup d’arrêt quand, en 2017, les rivaux de la Team Eastside prendront la tête du rap de Detroit, et quand le Roc auquel cet album est dédié sera assassiné.
