KOMADOSE – Beta One

Au sein de ce bouillon de culture qu’est la scène rap indé au début des années 2000, Beta One n’a pas été l’album le plus remarqué. Sans doute s’est-il perdu parmi ces disques qui, comme lui, se sont échinés à poursuivre les aventures avortées de Company Flow. Il faut dire que celui-ci pousse vraiment loin le mimétisme. On est même à l’extrême limite du plagiat, avec ce hip-hop austère de science-fiction, parcouru de scratches suffocants, ainsi que de raps abstraits et haletants.
La principale différence avec le modèle, c’est qu’il y a ici une foule de rappeurs et de producteurs, et non plus seulement trois. De tous, K-the-I??? est à peu près le seul à faire carrière ensuite, même si on a pu apercevoir KaeoFLUX, l’organisateur du projet, auprès de Zucchini Drive, et découvrir ensuite des disques de BrokenKlutch et d’OptimisGFN. Les autres membres du collectif (Pilot Balloon, Digistance, TheButterflyswift, PregnantWaterRock, Polymorphik, Jud, Str8-A, Safe905, WepOne et Strategist) sont tous d’illustres inconnus. Ensemble, cependant, en dépit de leur nombre, ils sont animés par la force d’un projet commun : émuler et poursuivre l’œuvre du fameux groupe de Brooklyn, aller le chercher sur son propre terrain, voire avancer plus loin encore.
Tout ici évoque le trio phare du rap indé. « Pulsar Star », par exemple, avec ces sons tarabiscotés, ce phrasé et ces paroles abrasives, et ce rythme pesant. Ou plus loin, le « Lava Death » d’Optimis et de Butterflyswift, avec ces beats heurtés caractéristiques. Et quand l’album cesse d’évoquer Company Flow, c’est à leurs collègues des Juggaknots que l’on pense, le temps du jazzy « The Human Race » de Safe905. Cela ressemble tellement à une copie bâclée par des seconds couteaux que rien (et surtout pas la pochette moche) n’incite à persévérer.
Sauf que, à y revenir, cet unique album de Komadose se montre amplement à la hauteur de n’importe quel solo d’El-P ou de Bigg Jus, comme si ce groupe apparu du côté de Boston leur avait volé pour de bon le feu sacré. Ces beats étouffants et durs ne sont pas sans effet, surtout quand vient s’y perdre, quasi imperceptible, un petit fond de mélodie, comme sur « The Cessation Of Samsara », avec KaeoFLUX et K-the-I???, ou bien sur « Preserved Graphics », avec Polymorphik.
Les titres faibles y sont rares. Peut-être ce « CockyMF9 » d’Optimis est-il bâti sur une boucle trop paresseuse, de même que le suivant, ce « Murked Out » de BrokenKlutch qui joue maladroitement de la fibre rock. Aussi « Nova Solar Search » annonce-t-il les moments les plus soûlants des futurs albums en demi-teinte de K-the-I???. Mais ils sont des exceptions, sur ce disque qui prouve à merveille qu’en matière de musique, copier n’est pas forcément synonyme de trahir.
PS : merci à Etienne Pseudzero d’avoir récemment ressorti cet album des limbes.