ARTO PAASILINNA – La cavale du géomètre

ARTO PAASILINNA – La cavale du géomètre

C’est entendu. Depuis Le lièvre de Vatanen, le livre qui l’a révélé, Paasilinna ne fait que raconter toujours la même histoire. Celle d’un homme qui, un jour, après un événement à mi-chemin du singulier et de l’anodin, bascule hors de la normalité et découvre que, finalement, ce n’est pas si mal d’être un marginal ou un fou. Le premier personnage mis en scène dans La cavale du géomètre ne fait pas exception. L’aventure de ce chauffeur de taxi commence comme celle de Vatanen, en voiture, même si c’est un vieux monsieur amnésique qui vient fortuitement perturber le cours de sa vie, au lieu d’un lièvre. Qui plus est, ce héros est un récidiviste, vu qu’il est aussi l’un des protagonistes de Petits suicides entre amis, l’un des romans les plus jubilatoires du truculent écrivain finlandais.

La cavale du géomètre nous embarque dans de longues vacances improbables dans les marais d’Ostrobotnie, avec une ribambelle d’originaux. D’abord, il y a le vieil amnésique, le géomètre en question, un vétéran de la guerre contre les Soviétiques haut en couleur et totalement gâteux. Puis l’un de ses vieux amis, un autre soldat devenu un fermier alcoolique et pyromane, à peu près aussi fou que lui. Ou encore deux ressortissants des Balkans venus s’inspirer en Finlande de l’architecture des hôtels occidentaux. Et toute une bande de Françaises un peu niaises adeptes du retour à la nature. Sans oublier des personnages plus passagers, comme ce monsieur à qui vient l’idée saugrenue de planquer son sac d’oignons dans un char de la Seconde Guerre Mondiale, et quelques animaux, ici un sanglier, là des taureaux, aux aventures aussi loufoques que celles des hommes.

Tout cela donne lieu à de nombreuses situations cocasses et à quelques fous rires, des vrais, du genre à vous ridiculiser dans le métro et à vous faire lâcher votre livre. Toutefois, La cavale du géomètre n’est pas le meilleur Paasilinna. L’histoire y est linéaire, le ton homogène, l’intrigue inexistante. Vu la saveur des ingrédients jetés dans la marmite, le Finlandais aurait pu en tirer meilleur profit. Il n’exploite pas au mieux le potentiel comique de la situation. La fin, notamment, s’avère frustrante et vite torchée, avec ses vaudevilles avortés et ce retour rapide de chaque personnage dans ses foyers. Le récit se perd aussi dans de longues descriptions laborieuses et sans saveur, par exemple quand il détaille la destruction par le vieux fermier de sa propre exploitation, avec l’assistance du géomètre dément.

Des grands thèmes apparaissent en filigrane, par exemple ce que la guerre fait des hommes, l’absurdité des politiques agricoles, les drames de la sénilité. Lais de façon fugace, sans le talent avec lequel le sujet grave du suicide est traité, par exemple, dans Petits suicides entre amisLa cavale du géomètre est fait comme les autres romans de Paasilinna, sur un ton enjoué et avec optimisme. Et à ce titre, sa lecture ne peut être que réjouissante. Il semble pourtant que cette fois, le Finlandais ait écrit avant tout par automatisme ou par réflexe, et qu’il n’ait pas trouvé grand chose à dire.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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