THE PHARCYDE – Bizarre Ride II The Pharcyde

THE PHARCYDE – Bizarre Ride II The Pharcyde

Au début des années 90, en Californie, aux heures de gloire du gangsta rap et de son dérivé le g-funk, il existe un autre rap. Celui-ci a davantage à voir avec les bonnes ondes et l’inventivité des Native Tongues qu’avec les belliqueux N.W.A., et peu, en ces années-là, le représentent aussi bien que The Pharcyde. Issus de South Central, le cœur du Los Angeles gangsta, ces rappeurs-là n’arborent ni décapotable, ni gun et ni mine patibulaire sur la pochette de leur premier opus. C’est au contraire le dessin coloré d’une fête foraine qui annonce l’excentricité du contenu. Et à l’intérieur, tout prend à contre-pied les tendances dominantes de l’époque.

A rebours du minimalisme ambiant, J-Swift offre au groupe une production luxuriante aux tons live et jazzy, agrémentée de « vrais » instruments. A la posture grave et menaçante de mise, ces rappeurs préfèrent l’humour et la fantaisie. Plutôt que des phrasés linéaires et droits dans ta face, ils optent pour des flows élastiques, fantasques et jaillissants. Aux fanfaronnades usuelles, Tre « Slimkid3 » Hardson, Imani, Bootie Brown et Fatlip substituent la moquerie et l’autodérision.

Ils n’hésitent pas à nous raconter leurs piteuses mésaventures (« On The DL ») et à revenir sur des amours d’enfance déçus (« Passing Me By »). Avec eux, l’appétit sexuel, insatisfait, s’oublie dans la masturbation et se solde par la frustration (« Oh Shit! »). Les rap battles deviennent d’hilarants concours d’insultes à l’encontre des mamans de leurs rivaux (l’impayable « Ya Mama »). Et l’incendiaire « Black Steel In The Hour Of Chaos » de Public Enemy est parodié pour dépeindre de pauvres Noirs pris en flagrant délit de sale gueule et de conduite sans permis (« Officer »).

Entre deux bons mots, nos rappeurs ne s’abstiennent pourtant pas de donner dans le commentaire social, soulignant par exemple les besoins d’éducation de leur communauté (« 4 Better Or 4 Worse »). Mais avec eux, on ne sait jamais vraiment si tout cela est à prendre au sérieux ou au 52ème degré.

Malgré un deuxième album respectable, le groupe, pénalisé par le départ d’un J-Swift victime de problèmes de drogue, n’atteindra plus le niveau de ce truculent et turbulent Bizarre Ride II The Pharcyde. Mais avec quelques autres, Del, Souls of Mischief, Freestyle Fellowship, ils ont dégagé la voie, ils ont permis à un autre rap californien, plus débridé, plus créatif et parfois plus original que nul autre, de se ménager sa petite place à lui.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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