3 MELANCHOLY GYPSYS – Grand Caravan To The Rim Of The World
Avec le temps, on réalise qu’un critère simple permet d’anticiper à coup sûr l’intérêt présenté par un album des Living Legends : le degré d’implication d’Eligh. Les meilleurs disques du collectif californien, en effet, sont souvent ceux qui portent sa marque. C’est vrai des solos, comme le Justify The Mean$ de Luckyiam.PSC. Cela l’est aussi du dernier disque sorti par les 3 Melancholy Gypsys, l’un des deux trios à l’origine du collectif, dont il produit l’essentiel.
Il ne faut surtout pas se fier à la pochette façon démo de rap français : attendu de longue date, ce disque du trio Eligh / Murs / Scarub est excellent. Sur une thématique gitane (le nom du groupe, celui de l’album, l’extrait du « Gypsy » de Jose Feliciano en introduction, quelques accents musicaux orientaux pour évoquer la caravane), les rappeurs donnent tour à tour dans un délire astrologico-mystique, dans l’histoire de cœur et dans la leçon de sagesse, comme sur ce mémorable « Chant » où ils nous proposent un remède aux revers de la vie. Et le tout est entonné avec entrain.
Les sons sont à la hauteur. Alternant compositions soyeuses et synthés bondissants, comme souvent chez Eligh, ils sont parcourus d’astuces comme le refrain appesanti de « Young Man » ou le phrasé robotique de « The Plannit ». Des productions casse-pied traînent ci et là (« 3 Rings », « Countdown », « Nautilus »), mais on les oublie quand déboule le finale éclatant, une suite exceptionnelle de quatre ou cinq morceaux dont un « Beautiful Mind » en effet « beautiful », un « Armageddon » dévastateur et un joli « Child 2 Man », où le trio abandonne le micro à la voix apaisée de Mystic.
En 2002, dans une interview pour notre webzine d’alors, Hip Hop Section, Murs avait dit :
Le tout nouvel album des 3MGs devrait sortir pour l’automne ou pour août, il s’appelle Grand Caravan To The Rim Of The World et ça sera le meilleur album que j’aie jamais fait…
Ce n’était pas de l’esbroufe, Murs avait raison. Excepté sur un point : le disque a mis finalement trois ans de plus à sortir. Mais peut-être ces longues années de gestation ont-elles été la raison de cette réussite. Par l’intermédiaire de trois de ses membres les plus éminents, ce groupe abonné trop souvent aux productions inégales et bâclées a sorti un album remarquable de l’ère du rap indé.
