STARLITO – Renaissance Gangster

Jermaine Shute, on le sait, a eu deux carrières. Au commencement, le rappeur connu sous le nom de Starlito semble évoluer en première division. Il se fait connaître en 2005 avec « Grey Goose », un single où le All $tar Cashville Prince évolue aux côtés de Young Jeezy et de Yo Gotti. Il est un temps le protégé de Lil Wayne et il signe sur Cash Money. Il côtoie aussi Gucci Mane. Et il livre une mixtape, Starbucks, avec le rappeur phare de sa ville de Nashville, Young Buck. Cependant, sa carrière peinant à décoller pas, il retourne vers l’underground, où il sort des albums et mixtapes souvent loués par la critique, mais pas assez grand public pour rencontrer le succès.
Comme l’indique son titre dérivé du film American Gangster (tout comme sa série Starlito’s Way détournait le Carlito’s Way de Brian de Palma), Renaissance Gangster est l’une des sorties qui, au début de la nouvelle décennie, consacrent son nouveau statut. Cette mixtape entérine son passage d’espoir à secret bien gardé du rap, et complète ce profil de gangster dépressif qu’on lui connait aujourd’hui. Les thèmes y tournent encore autour de la drogue et des filles. Starlito s’adonne aux routines du rap, avec des chansons dédiées au cannabis (« Weed Smoker Music ») et aux amis morts ou en prison (« Tired Of Being Tired »), à l’égo-trip (« What I Was Thinking ») et même au style battle sur « Renaissance Gangster », un titre où il s’en prend aux haters. Mais le ton, déjà, est particulier.
Sa voix s’enroue, son phrasé ralentit. Le rappeur s’étire sur les beats, plutôt que de les dompter, invitant l’auditeur à s’attarder sur ses textes. Quant à la musique, elle suit cette évolution, se faisant plus lente, usant de voix évaporées, de guitares déprimées ou d’orgues coulantes. Réduit à onze titres, dépourvu d’invités (hormis Pill, le rappeur d’Atlanta, sur « Coastin Streetmix »), produit exclusivement par DJ Burn One, Renaissance Gangster a aussi les traits d’un vrai album : il est homogène et il est consistant, à l’exception du piano à la Wu-Tang de « What Was I Thinkin », un morceau à contre-courant de cette sortie aux consonances sudistes.
Il peine pourtant à décoller, ce Renaissance Gangster. Il commence dans les brumes de morceaux poisseux, dont le meilleur, jouant du contraste entre son mot d’ordre positif et sa musique lancinante, est « Alright ». Mais plus tard, quelques titres s’élèvent de cette morne plaine, comme la complainte « Tired Of Being Tired », à propos des vicissitudes de la vie criminelle, un titre qui pourrait bien résumer tout Starlito. Il y a après le superbe « Happy To Be Here » qui confine au cloud rap avec ses nappes de synthé, le remix du « Coastin' » de Pill, avec son beau sample d’Ennio Morricone, l’ode pour gangster mélancolique « GH » (soit « Grind Hard »), et enfin, « March 13 », le seul titre ici qui ressemble à un hymne. C’est une fin parfaite. Une fin qui marque aussi un avènement, celui du Starlito de la décennie 2010, l’un des rappeurs majeurs et l’une des valeurs sûres de ces années-là.