ICE CUBE – Death Certificate
Dans un premier temps, celui qui tire le mieux son épingle du jeu de l’aventure N.W.A. est Ice Cube. S’étant fâché avec le reste du groupe, il se lance tôt dans une carrière solo pour devenir, avec ses deux premiers albums, la nouvelle menace numéro 1 en Amérique. Après avoir été « The Nigga Ya Love To Hate » sur Amerikkka’s Most Wanted, il est « The Wrong Nigga to Fuck Wit » sur Death Certificate.
Sur ce deuxième disque, sa cible est la même que sur le premier, ce bon vieil Oncle Sam, dont il expose le cadavre sur la pochette. Et il donne aux auditeurs exactement ce qu’ils attendent en matière d’outrances gangsta rap : de la hargne anti-policière, des histoires de deal de drogue, du sexisme, de l’homophobie, et même, histoire d’aller au bout du scandale, du racisme à l’encontre des épiciers coréens et du Juif Jerry Heller, le manager de N.W.A., dans une furieuse charge contre son ancien groupe élégamment intitulée « No Vaseline ».
Cependant, les provocations d’Ice Cube ne sont pas toujours aussi gratuites qu’elles paraissent. A une première partie intitulée « Death Side », qui se veut une description crue de la réalité des quartiers, succède une « Life Side » plus constructive. Sur « Alive On Arrival » et « Color Blind », les gangs ne sont pas présentés sous leur jour le plus glamour. « True To The Game » regrette l’absence de solidarité dans la communauté afro-américaine. Tandis que « Look Who’s Burnin » l’alerte contre le péril des MST (avec, certes, une dose carabinée de misogynie). Et « A Bird In The Hand » est l’imploration d’un jeune en quête d’un travail, sans lequel il replongera dans les vices et la délinquance.
Plutôt que de pousser le style gangsta rap californien au bout de sa logique nihiliste, Ice Cube préfère revenir sur les pas des New-Yorkais de Public Enemy. Non content d’avoir emprunté leur son sur l’album précédent en engageant le Bomb Squad, il donne lui aussi dans le rap à message. Fort de son talent d’orateur, il se positionne comme le nouveau porte-voix des Noirs Américains.
Death Certificate est l’un des meilleurs albums d’Ice Cube. Et pourtant, c’est déjà un disque du passé. Bientôt, le gangsta rap se changera en g-funk, et la colère cèdera la place au cynisme, l’indignation du défavorisé à l’insolence du nouveau riche, la hargne, la fureur et la sobriété des beats à une musique lente, cool et sophistiquée. Et c’est un autre N.W.A., Dr. Dre, qui montrera la voie, pendant qu’Ice Cube trouvera d’autres sources de satisfaction dans la carrière cinématographique lancée avant même Death Certificate, avec Boyz-n-the Hood.