CYPHA 7 – Got Struggle!
Combien sont-ils, ces petits chefs d’œuvre qui, parce qu’ils sont sortis au mauvais moment, parce qu’ils n’ont pas atteint les bonnes oreilles, parce qu’ils n’ont pas été relayés par les bons médias, se perdent à tout jamais dans les poubelles de l’histoire ? Et surtout combien, parmi eux, seront un jour récupérés, réhabilités, sauvés ? Difficile à estimer, bien sûr. En tout cas assurons-nous que le second album de Cypha 7, Got Struggle!, ne connaisse pas le même sort, qu’il ne sombre jamais dans l’oubli.
Cypha 7, ou Cipher 7, ou encore C7, est un duo formé par Shaheid et par Akim Allah (un rappeur toujours actif aujourd’hui sous le nom d’A.K.M.), des affiliés à l’immense famille Project Blowed. Proches de Freestyle Fellowhip, de C.V.E. et du Hip-Hop Kclan, ils ont également côtoyé Shock G, de Digital Underground. Comme beaucoup de Blowedians de la deuxième génération, notamment Busdriver et 2Mex, c’est sur Afterlife Recordz qu’ils sortent un premier album, Pages From The Book Of Life en 1998, après s’être distingués par leur présence en concert. Puis ils récidivent six ans après, en sortant par leurs propres moyens, dans un bête format CD-R, ce Got Struggle!
Sur ce disque sorti de manière artisanale en 2004, les deux hommes proposent un rap souple et félin qui jongle avec les mots sur des instrumentaux riches, dans la plus pure tradition du Project Blowed, un feeling très live étant garanti par des percussions dynamiques et le recours à de « vrais » instruments. Lorgnant vers le funk et le jazz, les titres de l’album sont souvent éminemment mélodiques, comme sur le très musical « Bitch Killa », avec les synthétiseurs enlevés de « Bounce Off The Planet » et, surtout, avec les magnifiques « One Luv » et « Wild Wild West ».
Le ton est suave, par exemple avec les récits nocturnes de « Night Life », où l’on retrouve Shock G. Mais il ne faut pas s’y tromper. Comme le suggère le titre de l’album, ainsi que le pseudo très Black Muslim d’Akim Allah : le duo, même s’il s’autorise des abstractions, reste ancré dans la réalité sociale.
Le ghetto n’est jamais loin, en arrière-plan sur « One Love » et « Wild Wild West », ou au cœur du sujet sur « It’s A Hood Thang », ainsi que sur ce « 20th Century Slaves » qui dénonce les abus de la police. Cependant, Akim et Shaheid nagent à contre-courant de leurs collègues nihilistes de la mouvance gangsta, comme le montre l‘ego-trip second degré de « Astro Pimp », un titre qui figurera en 2005 sur la seconde compilation Project Blowed. Il donne plutôt dans l‘edutainment, comme sur « Almighty Dollar », où il rappelle les dangers et ambiguïtés de l’argent.
Les paroles sont comme les beats, subtiles, équilibrées. Trop, sans doute, pour qu’Akim et Shaheid rencontrent le succès. Car Cypha 7, comme tant d’autres groupes talentueux, ne saura pas capitaliser sur leur talent. Le duo se séparera au moment où Afterlife se délitera, et Akim connaîtra quelques années de descente aux enfers et dans l’alcool, après la mort de son frère, tué par la police, ne réapparaissant que quelques années plus tard en solo, et ne laissant de l’aventure C7 que deux albums précieux, malheureusement presque introuvables.
Album indisponible
PS : merci à Akim Allah d’avoir partagé les informations qu’il me manquait pour écrire ce texte.