DE LA SOUL – De La Soul Is Dead

DE LA SOUL – De La Soul Is Dead

Quand le second De La Soul sort, c’est leur volonté de rupture que fans et critiques retiennent alors. Avec ce titre, De La Soul Is Dead, avec cette pochette sobre, avec ce pot de fleurs cassé et renversé, De La Soul met ostensiblement fin aux D.A.I.S.Y. Age. Posdnuos, Trugoy et Pasemaster Mase veulent nous signaler qu’ils sont un peu plus que les néo-hippys sympas du rap. Et de fait, le groupe opère quelques changements par rapport à 3 Feet High & Rising, le premier album, celui du carton commercial et critique, celui où s’est figée leur image de doux dingues.

Maintenant, ils abordent des sujets plus graves, comme l’addiction au crack, sur « My Brother’s A Basehead », ou l’inceste sur « Millie Pulled A Pistol On Santa », le titre le plus accompli de l’album, un morceau où, sur une musique irréprochable, le trio évoque avec subtilité les questions de la culpabilisation des victimes, la jolie Millie peinant à convaincre que son papa est autre chose qu’un brave type.

Mais pour le reste, De La Soul use des mêmes ingrédients. Délires à tous les étages avec des parodies house (« Kicked Out The House »), soul (« Talkin’ ’bout Hey Love ») ou rock (« Who Do U Worship »), et des passages déjantés à la « Johnny’s Dead AKA Vincent Mason ». Skits à tout-va et surabondance de samples avec cette nouvelle production signée Prince Paul. Et surtout tubes à tous les coins, de la basse sautillante de « Oodles of O’s » au discoïde « A Roller Skating Jam Named « Saturday » » en passant par « Fanatic Of The B Word », par le funky « Keepin’ the Faith » et bien sûr par ce fameux « Ring Ring Ring » grâce auquel De La, à défaut de faire aussi bien que « Me, Myself & I », a conquis le grand public français.

Le D.A.I.S.Y. Age ne perdurera pas. Mais le trio, malgré ses envies de mise au point, continue sur sa lancée, à l’opposé du rap gangsta qui fait souche en ces années là, et dont ils se moquent sur « Afro Connections At A Hi 5 (In The Eyes Of The Hoodlum) ». Cette singularité, rien ne la montre mieux que l’histoire contée par les interludes qui émaillent l’album, lesquels mettent en scène une poignée de racailles débattant sur ce nouveau De La Soul. Après moult discussions sur ce rap truculent et atypique, les lascars, dégoûtés, formulent ce verdict :

That’s it? That’s all? Van Damme! What happened to the pimps? What happened to the guns? What happened to the curse words? That’s what rap music’s all about, right?

C’est tout ? C’est fini ? Van Damme ! Qu’est-ce qui est arrivé aux macs ? Qu’est-ce qui est arrivé aux flingues ? Qu’est-ce qui est arrivé aux gros mots ? C’est tout ça la musique rap, non ?

Avec De La Soul Is Dead, le groupe ne change pas vraiment. Tout juste manifeste-t-il son désir de ne pas être caricaturé, de ne pas devenir les rigolos de service d’un rap qui fonce alors tout droit vers plus de virulence et de violence. Mais pour l’essentiel, le trio poursuit sa route. Et c’est grâce à cette fidélité que leur deuxième album est lui aussi l’un des grands disques de l’histoire du rap, à jeu égal ou presque avec son prédécesseur, en dépit de certaines longueurs et de ses titres les plus gags, et quoiqu’en disent les critiques mitigées de l’époque.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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