LAZER DIM 700 – Sins Aloud

Atlanta dans les années 2020, la suite. Même s’il est issu en vérité de Cordele, une petite ville établie plus au sud dans l’Etat de Géorgie, Devokeyous Hamilton est l’un des éminents représentants actuels de la plus importante scène rap du XXIème siècle. Un an après son premier album officiel, Keepin It Cloudy, il le confirme avec un digne successeur, Sins Aloud (comprendre : « sins allowed », péchés autorisés), sorti au moment même où il rejoint la dernière promotion des Freshmen.
Plus ou moins associé à ce dérivé de la trap music qu’est la plugg, Lazer Dim 700 aurait été difficilement imaginable dans un monde qui n’aurait pas connu, avant lui, Young Thug, Playboy Carti et Young Nudy. Et ce monde, il faut bien le dire, est bizarre. Ce rap n’a plus grand-chose à voir avec ce que l’on définissait autrefois comme tel. Ce rappeur, en effet, exprime sans frein, hors beat (quand il y a un beat…), à des vitesses souvent rapides et sur des tons variés, des phrases et des pensées telles qu’elles se bousculent dans sa tête tourneboulée par les drogues. Il place un nombre élevé de mots, la plupart du temps sans refrain, sur les deux minutes de ses morceaux, tandis qu’en arrière-plan retentissent les bruits synthétiques bringuebalants qui sont le fond sonore de son époque.
C’est un grand kaléidoscope de sons et de colorations que nous apportent ces très courtes dix-huit plages. Parfois, l’héritage du rap d’Atlanta est très visible, comme avec ces excellents « Sins » et « Take His Lid Off » dont les mélodies naïves, quoique malaxées par de surprenants effets sonores, nous ramènent au temps de Gucci Mane. Les petites touches de piano à la « Washed Up Ahh Boy », évoquent immanquablement Zaytoven, même quand, sur « Bullshit », elles sont inondées de synthés. Il y a aussi tous ces adlibs, des « yeah » et de « fuck » sans signification, déclamés à la chaîne. Et puis on aurait aisément imaginé Nudy s’exprimer sur l’instru débonnaire du conclusif « Rapido ».
Mais parfois, Lazer Dim 700 et ses producteurs nous emmènent ailleurs. On débarque en pleine science-fiction, par exemple, avec les sonorités du très bon « Ja Morant », de « Ghost » et du moins mémorable « Ella Vayter ». On se retrouve presque en territoire UK drill, avec l’agressivité, les grosses basses et l’électronique criarde de « Kill Switch », puis du côté du Michigan avec les cloches de l’enlevé et du trépidant « Fukk Goin On ». On se noie dans des nappes de synthé sur ces « Dripp » et « 1 Line » qui nous parlent essentiellement de défonce, et sur ce délice expérimental qu’est « Opps N Kamole ». Tout est bon pour que le rappeur raconte ses histoires chaotiques de drank et d’opps, et pour qu’il délivre en plein cœur de la décennie rap 2020, un album qui lui ressemble tant.