EBK JAAYBO – Don’t Trust Me

EBK JAAYBO – Don’t Trust Me

Young Slo-Be mort, EBK Jaaybo semble bien avoir pris le relai. Il est devenu le chef de file du rap de Stockton. Il est sans doute, à ce jour, le membre le plus en vue d’EBK, cette assemblée de gangsters rappeurs fondée il y a près de dix ans par son demi-frère EBK Osama, peu après la mort de son père Rrari, le parrain de toute cette scène. Au remarquable The Reaper de l’an passé, porté par le single « Boogieman », succède Don’t Trust Me. Et cet album mérite autant que l’autre qu’on s’y attarde, et que l’on plonge quelques instants de plus dans l’univers effroyable des ghettos californiens.

Jaymani Gorman est fidèle à lui-même. Il nous emmène dans un monde de cauchemar, de mort et de désolation. Dans le vaste arsenal de thèmes que nous offre le gangsta rap, cet homme en privilégie un seul ou presque : l’homicide. Il parle de refroidir les opps et ceux qui crachent sur la mémoire de Young Slo-Be ou sur celle d’Osama, décédé lui aussi. Il nomme même Los, Blacc, FAD, et Spazz, les rivaux que le gang EBK a refroidis, sur « Free Woahdie ». Tout cela est très, très perturbant.

Can’t argue ’bout no ho
Let’s argue ’bout who popped the most niggas

Ne parlons pas des putes
Mais de qui a tué le plus de négros

Jaaybo dit-il sur « Suck Sumthin ». Car il n’y a bien que cela qui l’intéresse. Tirer le premier, entre autres joyeusetés sexistes à ne pas mettre entre toutes les oreilles. Tuer ou être tué. Souffrir ou faire souffrir. Tels sont les mots d’ordre dans cet endroit digne de Mad Max ou, quand on n’assassine pas les autres, on pleure les proches qui sont tombés sous les balles ou qui croupissent au fond des prisons (« Snake Mentality Pt. 3 », « Run That Bag To Me », « Triple Cross », « Get Back Gang »).

Pour amplifier ces paroles exacerbées, EBK Jaaybo et ses producteurs déploient l’artillerie de circonstance : ces grosses basses coutumières du style de Stockton, agrémentées juste quand il faut d’une cloche ou bien d’un aboiement, mais aussi de chants pitchés quand la mélancolie prédomine, ou de chœurs graves et cérémonieux quand l’heure est à la menace. Ils usent de samples et de sons inhabituels : une mélodie orientale sur « Snake Mentality Pt. 3 », des steel drums relevés sur « Dirty Draks Freestyle », ou des chants folkloriques slaves sur le formidable « Stand Over Music », sur le modèle de ce que G Herbo a inauguré dix ans plus tôt, quand il a samplé les voix bulgares.

Et c’est parfois très impressionnant, comme sur l’entrée en matière fabuleuse de « Suicidal », l’ébouriffant « Exposing Me » avec VonOff1700, et ce « John Wick Pt. 2 » qui a l’heur d’employer une guitare pour exprimer l’insoluble mal-être du rappeur. Il ne manque à « Don’t Trust Me » que ce qui fait défaut à tous les bons albums de rap à l’époque du streaming. Une sélection, des choix. Dix titres de moins, parmi les vingt-et-uns que compte cette sortie d’EBK Jaaybo et du rap de Stockton. 

Acheter cet album

The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *