LIL WAYNE – Da Drought 3

Et si, à l’heure de sa gloire, au cœur des années 2000, alors qu’il prétend être le meilleur rappeur en vie, la sortie majeure de Lil Wayne n’était aucun de ses albums ? Et si c’était une mixtape ? Dedication 2, par exemple, en 2006. Voire, l’année d’après, la troisième livraison de la série Da Drought, une sortie où Weezy se sent d’autant plus inspiré qu’il n’a plus besoin d’un DJ, et qu’il en repousse la date de sortie pour en faire un double album, riche de vingt-neuf titres, dont presque aucun n’est à jeter.
Pas une des instrus qu’il emploie ici ne lui est propre. Sur Da Drought 3, Lil Wayne pille tout ce que les années 2000 comptent de rappeurs en vue, à l’Est (Jay-Z, Nas, Cam’Ron, Juelz Santana, Jim Jones, Young Gunz), tout comme au Sud (T.I., Young Jeezy, Young Dro, Lil Boosie, YoungBloodZ, Yung Joc, Mike Jones). Il puise à d’autres sources que le rap avec Beyoncé, Ciara et Robin Thicke, et il remonte dans le temps, comme avec le standard West Coast « Everlasting Bass », de Rodney-O et Joe Cooley.
Il s’approprie chacun de ces morceaux, si bien qu’on ne voit même plus qu’ils viennent de registres distincts. Le rappeur fait même mieux que cela : il les rend supérieurs aux originaux. L’anodin « Mr. Jones » de Mike Jones devient un irrésistible « Ride 4 My Niggas », transcendé par son refrain exalté (« The sky is the limit »…). c’est vrai des morceaux les plus obscurs, comme des plus connus : « Dead Presidents » (Jay-Z), « If I Ruled The World » (Nas et Lauryn Hill), « Crazy » (Gnarls Barkley)…
Tout du long, Lil Wayne est en feu. Sur cent minutes intenses où il s’exprime presque sans aide (ses seuls invités sont Juelz Santana, Brisco, et deux autres dont on reparlera bientôt, Curren$y et Nicki Minaj), il part dans un déluge verbal, il se lance dans de longues courses de fond rapologiques, « Back On My Grizzy » étant exemplaire à cet égard.
Lil Wayne se mesure parfois aux artistes auquel il vole des beats, se comparant à T.I., ou déclarant sa flamme à Ciara. Et il parle de tout, sans retenue : de l’argent, du sexe, des armes, de ses bitches et de ses niggas, avec pour seul motif l’affirmation de soi. Tout se mêle avec une énergie éternellement juvénile, le rappeur ne cherchant pas à faire sens, mais à faire son, à impressionner par sa créativité.
Et avec son phrasé, il suit la même logique : il s’autorise tout, un ton malin et ironique, ou possédé sur « We Takin Over ». Il chante sur « Boom », et il part dans du dancehall en intro. Bref, Weezy est libéré. Et pour sa musique, le rap, il est totalement libératoire. Si les années 2000 ont été celles où l’on a constaté qu’une mixtape pouvait être égale, voire supérieure, à un album commercial, Lil Wayne et Da Drought 3, indubitablement, y ont fortement contribué.