ANDRE NICKATINA & MAC DRE – A Tale Of Two Andres
Dans cet univers en soi qu’est la scène rap de la Bay Area, deux Andre, nés tous deux en 1970, se sont fait une place de choix. Le premier, c’est Andre Adams, alias Dre Dog, puis Andre Nickatina, qui depuis ses débuts au sein d’I.M.P, fait preuve de constance, s’investissant dans la conception d’albums remarquables, tout comme dans celle de films. Le second, c’est Andre Hicks, alias Mac Dre, dont la carrière est au contraire accidentée, entrecoupée de soucis judiciaires et terminée de façon abrupte : il est assassiné en 2004, au sortir d’un concert à Kansas City, par un homme non identifié.
Les deux Andre étant amis, ils avaient décidé d’enregistrer un album ensemble. Le meurtre de Mac Dre fait capoter le projet, mais quelques acharnés, en piochant des morceaux à droite et à gauche, éditent en 2006 un bootleg intitulé Tales Of Two Andres. En réaction à celui-ci, l’Andre survivant entreprend de récupérer quelques vers de son ami décédé et s’assure qu’il aura le droit de les utiliser. Puis, profitant de la réputation naissante de l’album pirate, il édite le sien, un disque officiel cette fois-ci, qu’il sort sous un titre quasi identique, en 2008, quatre années après la disparition de Mac Dre.
Les deux Andre n’ont enregistré que trois titres ensemble : « My Homeboy’s Chevy », « U Beezy », et « Andre N Andre », lequel figure sur Bullets, Blunts In Ah Big Bankroll, un album de Nickatina. Ce disque posthume donc, qui recycle d’autres vieux titres (« She Neva Seen », issu du The Genie Of The Lamp de Mac Dre), qui en remixe d’autres (« Toys », « Cadillac Girl ») et qui contient aussi des titres solos, est une reconstitution. Il n’en est pas moins très réussi.
Ses thèmes sont habituels. Il y a de l’égo-trip (« U Beezy »), un hymne aux belles bagnoles (« Color Of The Benz ») et un autre à l’argent (« Honeycomb »). On célèbre les drogues (« My Homeboy’s Chevy », « Drug Luv ») et on se prend pour un maquereau magnifique (« She Neva Seen »). Et tout cela est varié, enjoué et interprété à la mode des lieux. Cet album a beau être l’hommage à un mort, il est festif, hédoniste et il use de sons funky, synthétiques et dansants, dans les parages de la hyphy.
Cependant, il emprûnte parfois d’autres voies, comme avec le piano triste de « Fillmoe – Vallejo » ou le minimalisme old school de « Bonus ». L’humour est constant, les sons accrocheurs. Et le registre est large, tant musicalement, qu’au niveau des styles de rap, du phrasé lent et suave qui domine « Outta Control », au double-time de « Drug Luv ». Fait de bric et de broc, ce conte des deux Andre est une célébration parfaite de l’atmosphère du rap de la Bay Area, par deux de ses meilleurs représentants.
