SLIM THUG – Already Platinum

SLIM THUG – Already Platinum

Non, en dépit de son succès critique et commercial, Already Platinum n’a pas tout de suite été platiné. Il faudra attendre plusieurs années pour qu’il atteigne « seulement » le statut de disque d’or. Mais au fond, cela n’a pas d’importance. Dans ce monde en soi qu’est la scène de Houston, Stayve Thomas est déjà quelqu’un en 2005, ayant marqué le circuit des mixtapes et côtoyé d’autres rappeurs de la ville texane. Avec ce titre fanfaron, celui qui se déclare rappeur à temps partiel mais bandit à temps complet ne célèbre pas tant cet album que sa réussite de malfrat, que son statut de millionnaire, acquis selon lui avant même que les majors ne se penchent sur son cas.

Ce premier album officiel n’en est pas moins un tournant. Slim Thug y prend une dimension nationale. Avec les sorties concomitantes de Mike Jones et de Paul Wall (tous trois viennent de marquer les esprits avec le single « Still Tippin' »), il met aussi en avant le style singulier développé à Houston depuis DJ Screw. Pour cela, le rappeur a rejoint via sa filiale Geffen la major Interscope, et il s’est adjoint les services des Neptunes. Already Platinum, en effet, sort aussi sur leur label Star Trak, et le duo produit ici plus de morceaux que le local Mr. Lee, Jazze Pha et Cool & Dre fermant la marche.

Avec leurs techniques, avec cet autre son du Sud qui est dynamique, léger et funky (alors que celui de Houston est lent, lourd et empesé), ils rendent plus accessible la formule locale. Mais c’est là la seule concession que s’accorde Slim Thug. Avec sa voix imposante de géant et ses raps délivrés avec autorité, il représente bel et bien cette bonne ville de Houston sur Already Platinum. Les sons screwed y ont toute leur place (« Diamonds », « Boyz In Blue »), comme la musique tout à la fois funky et poisseuse des lieux, par exemple sur « Everybody Loves A Pimp » et « Incredible Feelin' », deux titres renforcés par la production et la voix de fausset de Jazze Pha.

Quant au message principal de Slim Thug, c’est qu’il est le patron dans sa ville. Il le démontre de multiples façons. Il roule des mécaniques dans le club, coopté par deux rois incontestés du Sud, T.I. et Bun B (« Three Kings »). Il parade dans sa ville au volant de sa voiture (‘Diamonds’). Il se présente sous les atours du maquereau (« Everybody Loves A Pimp »). Il retrace son parcours vertigineux (« Ashy To Classy »). Il prétend porter une fortune sur le dos (« I Ain’t Heard Of That ») et crouler sous la richesse (« Already Platinum »). Il menace ses rivaux à l’arme à feu (« Click Clack », avec Pusha T). Il détruit la concurrence dans un simulacre d’interview (« Interview »), avec au passage une indélicate saillie homophobe (« vous les négros vous dites que vous êtes des « G », ça doit vouloir dire que vous êtes gays », ouch…). Il rameute tout son gang sur le mode du posse cut (« Boyz In Blue »). Et il proclame fièrement que le Sud n’a rien envier à New York (« Incredible Feelin' »).

Rien de bien neuf, donc. On retrouve même l’habituel hymne au cannabis qui compare la drogue à une femme (« Mary »), et l’oraison triste consacrée aux amis morts (« Dedicate »), comme sur dix millions d’autres albums de rap. Mais on y croit, à cette énième histoire américaine, à celle de ce gars du ghetto devenu à la force du poignée le baron de sa ville, quand du haut de ses deux mètres et de son physique imposant, il déploie toute sa force de persuasion. On y croit sur « This Is My Life », un morceau où il retrace son parcours et où il y a tout, l’assurance, le ton définitif, une musique béton, des jolis chants féminins et des chœurs de thugs, sans doute le sommet de cet Already Platinum qui, le funk synthétique des Neptunes et les joliesses propres à un blockbuster mis de côté, se veut et est un manifeste pour Slim Thug.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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