BABYFACE RAY – M.I.A. Season

BABYFACE RAY – M.I.A. Season

Ça pousse, ça pousse, derrière BabyFace Ray. Et depuis un moment déjà. Il est l’un de ceux, à Detroit, sur lesquels l’industrie du divertissement a parié, et cela se concrétise de plusieurs façons : un EP récent, Unfuckwitable, qui entre dans le classement Billboard, une place parmi les Freshmen de 2022, une couverture médiatique substantielle, y compris un profil dans GQ et une invitation au Tonight Show de Jimmy Fallon, etc…

Par la même occasion, le rappeur met un peu d’eau dans la vinasse du Michigan. Exploitant son phrasé plus relâché et moins abrupt que chez ses pairs, son premier « vrai » album Face, sorti en 2022, cherche visiblement à élargir son public.

Alors, comme toujours en pareil cas, à chaque fois qu’un rappeur cherche par trop le succès, il faut en revenir au commencement. Pas au tout début, au lycée, quand ce fils de pasteur qu’est semble-t-il Marcellus Register a rejoint le collectif Team Eastside par l’entremise de Peezy. Mais quelques années plus tard, en 2015, quand est apparu M.I.A Season, la sortie qui en a fait l’une des références de Detroit.

Sur M.I.A Season, BabyFace Ray déploie tout l’attirail du rap de rue. Entouré par toute la troupe de la Team Eastside (Peezy, Damedot, Lil P, Snoop, ainsi que ses associés G.T. et Nuke Brown), il délivre de purs hymnes de Detroit, agressifs comme il le faut, comme avec cet « AR » produit par l’un des piliers du son de la ville, Michigan Meech. Il est le délinquant qui travaille dur pour s’offrir des Porsche et des filles sur le morceau-titre, « M.I.A. ». Il partage fièrement ses rêves de réussite sur « One Day ». Le triptyque sexe, drogue et argent l’obsède (« Pussy Money Weed », « Money Counter »).

Mais déjà, s’entendent l’introspection et le vague-à-l’âme qui distinguent ce rappeur des autres. Cela se passe dès le début, avec les nappes de « Choices », à la fin avec celles de « Rock Bottom Jacket », et entretemps quand il en appelle à Dieu sur « God Bless ». Il y a des rêves d’évasion, aussi, sur cette « mixtape » où BabyFace Ray se dit « missing in action » (porté disparu), et où il s’imagine prendre du bon temps à Miami, loin des rues glaciales de Detroit (« Miami In November »).

M.I.A Season est très inégal, certes, comme 99% de la production pléthorique de Detroit. Il est bien sûr stéréotypé à souhait. A cette époque, le rappeur n’a pas encore ouvert le champ. Et pourtant, il pourrait bien être l’un des meilleurs BabyFace Ray. Ecouter ou le réécouter ses meilleurs morceaux, c’est s’en délecter. Mais c’est réaliser aussi, avec amertume, que le rap de Detroit a peut-être déjà atteint le stade où c’était mieux avant.

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PS : ci-dessous, la pochette alternative de cette sortie.

The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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