XXXTENTACION – 17

XXXTENTACION – 17

Sorti le 25 août 2017,
chez Bad Vibes Forever et EMPIRE Distribution.

Après le succès du single « Look At Me! », 2017 semble la bonne année pour XXXTentacion. Maintenant sorti de prison, cornaqué par les gens influents d’Empire Distribution, figurant parmi les fameux « Freshmen » de XXL, l’étoile montante de la nébuleuse Soundcloud rap a alors tous les atouts de son côté. Cependant, le Floridien se comporte comme s’il voulait les gâcher. Il y a notamment cette épouvantable histoire avec Geneva Ayala, sa compagne, dont on apprend qu’il l’a battue et qu’il a abusé d’elle alors qu’elle était enceinte. Plutôt que de faire profil bas, le rappeur s’inspire de cette relation chaotique pour écrire ses textes (le dernier morceau porte même le nom d’Ayala), poussant une bonne partie de la critique sur la défensive. Quant à celle qui est mieux disposée à son égard, il la prend à rebrousse-poil, avec cet album qui ressemble si peu à un album.

Intitulé d’après son nombre fétiche, 17 n’a rien d’un blockbuster. C’est une sortie courte et sèche, inférieure à la demi-heure, au parti-pris amateur et lo-fi, comptant un seul invité (Trippie Redd). Ses plages les plus longues dépassent à peine les deux minutes et ses textes se limitent à chaque fois à une poignée de vers. XXXTentacion, par ailleurs, prend le contrepied du tapageur « Look At Me! » : il n’y a aucun single ici, aucun sample criard mais à l’inverse ceux ternes d’un inconnu (Shiloh Dynasty), aucun titre pour porter l’album vers des sommets mais au contraire une suite de morceaux à peine finis. Qui plus est, le rap s’efface au profit de l’indie rock ou bien du R&B alternatif, dans un entredeux stylistique difficile à qualifier, où dominent les sons calmes de guitares acoustique et d’un piano.

L’humeur est maussade, et les paroles parlent exclusivement de dépression. Nommé d’après une jeune femme qui s’est donnée la mort alors qu’elle faisait des séances photos pour lui, « Jocelyn Flores » lui permet d’exposer sa peine, d’évoquer le suicide de son oncle, et de partager ses propres pulsions morbides. Cet instinct de mort, il en fait part aussi sur le minimaliste « Orlando », quand il entrevoit une solution radicale à ses souffrances. « Depression & Obsession » et « Everybody Dies In Their Nightmares » », en disant qu’amour et dépression ne font pas bon ménage, semblent expliquer sa relation difficile avec Geneva Ayala, pendant que « Revenge », « Dead Inside », « Fuck Love » et « Carry On » reviennent sur la genèse de cet épisode, une histoire d’infidélité. Tout cela, XXXTentacion l’aborde sans détour, avec la naïveté d’un adolescent qui se confie dans son journal intime.

Au cours d’une introduction embarrassante, l’album est présenté comme cela : comme le recensement des cauchemars, des pensées, et d’épisodes de la vraie vie du jeune rappeur. Cette entrée en matière, cependant, contient une phrase encore plus importante. « 17 » a beau paraître enregistré à la va-vite par un jeanfoutre de la musique, ce dernier prétend y avoir tout mis. Il dit que, dans un geste quasi christique, il y a placé tout son mal-être pour apporter un soutien ou un répit à ses semblables, les dépressifs. Et de fait, derrière ses abords artisanaux, il y a de l’intensité sur 17. Il y a des cris de détresse glaçants qui laissent entendre que rien de cela n’est faux, comme avec les étranglements de voix de « Revenge », comme avec ce « Save Me » qui est ce qu’il annonce, un appel au secours désespéré, comme avec tous ces morceaux désolés où le sol se dérobe sous vos pieds.

Quand il sort, cet album divise. Il sépare ceux qui crient au foutage de gueule, des fans bouleversés et de supporters de marque comme Kendrick, lequel en recommande l’écoute sur Twitter. Et comme toujours avec de telles œuvres, celles qui ne laissent personne indifférents, ce sont aux seconds que la postérité donnera raison, quand la mort du Floridien décuplera son aura, que 17 cumulera les succès sur les plateformes de streaming et que cet album bancal si peu paramétré pour la consommation de masse sera consacré néanmoins comme l’opus majeur de XXXTentacion.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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