THE UNDERACHIEVERS – Indigoism
Sorti le 1er février 2013,
chez Brainfeeder.
Issus de Brooklyn, les Underachievers sont présentés comme des affiliés au mouvement « Beast Coast », dont A$AP Rocky et son collectif A$AP Mob sont des proches, et dont le membre le plus éminent est le jeune Joey Bada$$. C’est cependant quelqu’un de l’autre extrémité des Etats-Unis, Flying Lotus, qui a pointé les projecteurs vers le duo, en le signant sur son label Brainfeeder.
Compte-tenu de ce contexte, ça ne s’annonce pas forcément bien. A$AP Rocky, Joey Bada$$, Flying Lotus… Cela fait beaucoup d’artistes notoires et appréciés, mais surcotés par la vieille garde, objets d’une bulle critique. L’engouement autour des Underachievers, toutefois, n’a rien d’un soufflé. Indigoism, l’une des mixtapes les plus remarquées en ce début 2013, est pour de bon excellente.
Nous sommes proches du revivalisme studieux de 1999, la mixtape de Joey Bada$$. Indigoism évoque aussi la fin des années 90, quand le rap new-yorkais retournait dans l’underground, qu’il valorisait à l’extrême l’élasticité des raps et qu’il jouait avec des sons bizarres. Comme à l’époque, Issa Dash et Ak, les deux rappeurs, secondés par plusieurs beatmakers (Mr. Bristol et les Entreproducers, notamment), privilégient un rap fait de flows techniques et d’habiles rimes internes, avec en sus un poil de commentaire social (« Root Of All Evil »). Et à cela, ils ajoutent une pincée d’ésotérisme (« 6th Sense »), comme pouvaient le faire autrefois Scienz of Life ou les Lost Children of Babylon.
Chez les Underachievers, comme chez l’essentiel de leurs contemporains, les drogues occupent une part essentielle du propos. Mais plutôt que de se livrer comme eux à une apologie de la défonce, c’est à l’ancienne que le duo traite des stupéfiants sur les morceaux « Revelations », « Maxing Out », « Herb Shuttles » ou « Potion Number 25 » : comme de clés qui ouvrent les portes de la perception. L’influence des narcotiques s’entend aussi dans leurs sons, qu’ils se révèlent atmosphériques (« Herb Shuttles », « T.A.D.E.D. », l’orgue vaporeux de « Revelations »), psychédéliques (« New New York »), possédés (« Play Your Part »), ou bien encore sombres et abyssaux (« So Devilish »).
Toutes ces formules ont eu des précédents. Et pourtant, les Underachievers et leurs producteurs se distinguent du tout-venant, avec un sens mélodique prononcé, par exemple, manifeste sur les titres « Maxing Out », « 6th Sense », « Gold Soul Theory », sur le très beau « My Prism », et sur ce « The Mahdi » dont le beat n’est pas sans rappeler le « 93 ’till Infinity » des Souls of Mischief. C’est cela qui les démarque de leurs collègues et protecteurs, et qui permet au duo d’assumer son héritage classic rap new-yorkais, tout en semblant parfaitement à leur place en ce début de décennie 2010.