THE ADVERTS – Crossing The Red Sea With The Adverts

THE ADVERTS – Crossing The Red Sea With The Adverts

Sorti le 11 février 1978,
chez Bright Records.

Voici un accord, en voici un autre, en voici un troisième. Maintenant forme un groupe.

Ce fameux adage punk qui érige l’amateurisme musical en vertu cardinale, peu l’ont autant respecté que les Adverts. Sur leur premier single, ce « One Chord Wonders » qui tourne en dérision leur absence de virtuosité, ils déclarent même ne connaître qu’un seul de ces accords. Ils s’en amuseront encore quand, lors d’une tournée avec leurs compagnons de label, une affiche déclarera :

Les Damned savent jouer trois accords, les Adverts savent en jouer un. Venez les écouter tous les quatre.

Mais c’est aussi pour cela, parce qu’ils se sont limités à ce strict minimum, parce qu’ils ont compté encore plus que d’autres sur la vélocité de leurs chansons, la simplicité de leur approche, le bruit exalté des guitares et leur ardeur juvénile, qu’ils ont été, en 1978, le groupe punk quintessentiel.

Pas de grand engagement social ou politique chez ces gens apparus sur la scène du Roxy Club, repérés par Brian James des Damned, puis signés sur Stiff Records. Pas de scandale médiatique comme chez les Sex Pistols. Sur leur premier album, seul « Great British Mistake » ressemble à un pamphlet contre la société britannique. Et encore, il est conjugué pour moitié à la première personne.

Ce qui inspire avant tout les Adverts, c’est le thème premier du mouvement punk : le malaise de l’adolescence, l’arrivée dans l’âge adulte d’une génération sans perspective. C’est cela qui nourrit avant tout les paroles. C’est ce dont parle un de leurs hymnes, « Bored Teenagers ». C’est ce dont traitent, plus ou moins ouvertement, l’ensemble des titres de l’album.

Sur « New Church », le chanteur dit s’affranchir de la masse, pour ne plus suivre que ses envies. Il manifeste le même désir de libération sur « New Day Dawning » et « No Time To Be 21 ». Et sur le single « Safety In Numbers », avec le pessimisme consubstantiel au punk, il jette un regard désabusé sur le mouvement auquel il appartient. Il le dépeint comme une nouvelle forme de conformisme.

En bon teenager, le chanteur passe de l’exaltation à la noirceur, celle par exemple de « Drowning Men ». Même leur single emblématique « Gary Gilmore’s Eyes », un peu hors-sujet avec son histoire de patient transplanté qui se réveille avec les yeux d’un meurtrier, joue avec des passions et des sentiments juvéniles : l’anxiété, l’humour, le goût pour le sordide, la fascination pour l’horreur.

Dans la foulée de « One Chord Wonders », les Adverts déroulent, animés par un feu sacré, une suite continue d’hymnes extatiques faussement je-m’en-foutistes et véritablement angoissés. Très courts, ils se succèdent à un rythme infernal dans le bruit des guitares, avec toutefois quelques surprises et des variations, comme les changements de tempo de « On The Roof », « New Boys » et « Bombsite Boy », ou bien ce « On Wheels » qui a comme un avant-goût de post-punk.

A ces atouts, s’ajoute le travail du producteur John Leckie. Et puis bien sûr, pour ne rien gâcher à l’ensemble, en plus des paroles de de T. V. Smith, il y a sa compagne Gaye « Advert » Black, dont la basse proéminente propulse chacune des chansons, et qui alors, avec son look noir mais très photogénique, définit ce à quoi doit ressembler une femme punk.

En plus de cette matière première de choix, il y aura les rééditions futures de Crossing The Red Sea With The Adverts. En changeant la pochette comme le tracklisting, en ajoutant les versions radio ou live des singles et des morceaux qui n’y figuraient pas à l’origine, elles amélioreront encore la qualité et la richesse de la sortie originale, de cet unique classique d’un groupe vite disparu, mais qui a eu le temps d’offrir au mouvement punk anglais l’une de ses toutes meilleures pièces.

Acheter cet album

PS : ci-dessous la pochette de l’indispensable réédition.

The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *