SLEEP – Christopher

SLEEP – Christopher

A l’instar d’autres groupes underground établis un peu plus au sud sur la Côte Ouest américaine, Oldominion a pour défaut sa productivité. Il y a toujours de quoi grignoter sur les albums du collectif à rallonge de Seattle et de Portland, ils ont délivré plusieurs petites merveilles ici et là. Mais les œuvres intégralement recommandables marquées du logo à la chouette sont rares. Et séparer le bon grain de l’ivraie parmi toutes ces sorties et toutes les combinaisons du groupe (en solo, en duo, à plusieurs, tous ensemble ou avec d’autres) peut être laborieux à la longue. Oldominion, pourtant, a déjà sorti quelques albums au-dessus de la moyenne underground. L’un de ces disques est le Polarity de Norman, sorti en 2003. Un autre est le second Sleep sorti en mai dernier, Christopher.

Sleep, on le connaît. Le rappeur est apparu auprès de quelques-uns de nos chouchous, sur le récent tour CD de Pip Skid, John Smith et Skratch Bastid, par exemple, ou un peu plus tôt sur le Illustrated de Toolshed et le Knowhawk de 2Mex. Il s’illustre aussi, depuis plusieurs années, avec Josh Martinez au sein des Chicharones. Naturellement, tout cela pousse à s’intéresser au bonhomme. Et ça tombe bien, puisque Christopher prétend nous le faire mieux connaître. Intituler son nouveau disque de son vrai nom (ou prénom, en l’occurrence) est un signe qui ne trompe pas : sur ce second album moins sombre que le premier (Riot By Candle Light), le rappeur de Portland donne dans les anecdotes autobiographiques. Il se confie sur les dilemmes et sur les joies de sa propre existence.

Pour réussir un disque de rap, il faut trouver la bonne adéquation entre le rappeur et le producteur. C’est le cas sur Christopher. En privilégiant les scratches de son ami Skratch Bastid et les beats de ses complices d’Oldominion Pale Soul et Smoke, Sleep fait mouche. Sa voix, légèrement voilée, compensée par un rap volubile et rapide, trouve à chaque fois la musique qu’il lui faut. Ça fonctionne sur ce « Testimony » où, sur fond de piano, Sleep accélère son phrasé jusqu’à l’apothéose d’un refrain tout en scratches et en synthé. Même niveau sur l’effusion de cuivres, de violons, de guitare, de scratches et de rap double time du premier titre. Ou encore avec le petit tintement de « Say Goodbye », ses chœurs soudains et son refrain latino, et sur l’orgue entraînant de « Make Yourself Get Up ». Sans oublier l’impérissable « Guys Like Me » disponible aussi sur l’album des Chicharones, ni le pastiche « I’m So Techno », présenté comme un skit mais qui dure tout de même deux minutes.

Seul reproche, ce Christopher de plus d’une heure s’essouffle sur la longueur. Malgré une production signée Maker (« Never »), malgré la présence de rappeurs prestigieux comme Abstract Rude et Masta Ace face auxquels Sleep est loin d’être ridicule, l’album compte une poignée de minutes en trop. Mais cette petite critique s’efface dès les premières notes de guitare du titre de clôture, « Love It To Death », une conclusion parfaite doublée d’une merveilleuse invitation à goûter la vie, en dépit des vicissitudes qu’elle nous réserve.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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