PAYROLL GIOVANNI – If Not Me Then Who
Sorti le 19 septembre 2025,
chez BYLUG Entertainment et EMPIRE.
Depuis une quinzaine d’années au moins, avec les Doughboyz Cashout puis en solo, Payroll Giovanni est là. Encore et toujours, il joue les premiers rôles dans la formidable odyssée du rap de Detroit. Il le façonne, il l’accompagne et il le représente, toujours en phase avec ses évolutions. La pochette de ce dernier album l’illustre, une fois de plus. Alors que sonne l’heure de la normalisation pour l’âpre style local, il montre ce rappeur des rues troquer les habits de petite frappe pour un élégant costume avec nœud papillon. Même si les bijoux clinquants et les montres de luxe ne sont pas bien loin.
Ayant fricoté très tôt avec l’industrie du disque, l’ancien Doughboy Payroll a déjà mis du sucre dans sa potion amère, quand il s’est reposé sur les sons plus ronds de Cardo. Il s’est montré prêt à jouer le jeu d’un rap plus mélodieux. Et il n’y a pas renoncé, à en croire cet album assez pro, bien conçu et bien produit, avec plein de sons ensoleillés évocateurs du climat californien, plutôt que de la froidure du Michigan. C’est un bien bel objet, qui pour sa musique recourt autant aux acolytes des autres régions (DJ Fresh, et donc toujours Cardo) qu’à Payroll Giovanni lui-même et aux stars de la production locale (Helluva, DamJonBoi). C’est aussi celui d’un homme qui se pose et qui fait le point.
At this point, I’m at a crossroads,
Head to the unknown or be a lost soul
Bein’ comfortable or have regret
That I ain’t put the shit to the max.
A ce stade, je suis à la croisée de chemins,
Aller vers l’inconnu ou être une âme perdue,
Être à l’aise ou avoir des regrets
De ne pas avoir poussé le truc au maximum.
Telles sont les premières paroles de cet album. A ce moment de la carrière de Payroll Giovanni, ce ne sont plus seulement des vantardises sur ses activités délinquantes et sur la cherté de ses montres de luxe. C’est la prose d’un homme qui a vécu et qui réaffirme sa philosophie. Ce sont les mots d’un délinquant expérimenté qui, sur des sons suaves et ronds qui ne sont plus les beats énergiques et les rythmes trépidants d’antan, parle beaucoup au passé et fait part de ses principes. « Get Money & Mind My Business », par exemple : faire de l’argent et de ne s’occuper que de ses affaires.
Mais le Payroll éternel est encore là, malgré tout. Fier, mordant, insolent, il exprime son mépris pour la concurrence (« Memory »), si besoin avec Peezy, son homologue à Eastside Detroit (« Inner City Rich Niggaz »). Et quand ce cher Helluva revient aux commandes, comme sur « Hustle Did », dieu que c’est bon. Quand la formule gagnante de Detroit est de retour grâce à DamJonBoi, même en mode introspectif (« Maybach Paths »), quel bonheur. Quand Payroll parle de ses vilaines fréquentations sur une nappe à la Doughboyz Cashout (« Still Buddies »), c’est toujours délicieux. Les leçons de vie délinquantes de « Even When You Up » sont intensément à point. Et pour faire bonne mesure, quelques morceaux mous à grands principes, tel « Flights & Reservations », sont excellents aussi.
If Not Me Then Who, s’intitule cet album. Si ce n’est moi, alors qui ? C’est une bonne question. Car si Payroll Giovanni n’est pas le plus grand rappeur de Detroit, qui donc, en effet, mérite ce titre ?
