NIONTAY – Fada<3of$
Sorti le 25 avril 2025,
chez 10K Global.
Niontay Hicks n’a pas vraiment d’attache géographique forte. Né à Milwaukee, grandi en Floride, il a fini par s’installer à New-York. Et c’est là qu’il s’est fait remarquer, au hasard d’un freestyle entonné en état d’ivresse, à Brooklyn. Par l’entremise du rappeur Sideshow, MIKE l’a alors repéré, il l’a pris sous son aile et il l’a signé sur son label 10K Global.
Vu ce parcours et vu ce parrainage, il est logique de voir Niontay pratiquer un rap post-moderne, un hip-hop d’esthète pour les critiques, relié à aucun genre particulier. Son rap, c’est le style alambiqué suggéré par la pochette arty et par le titre de son dernier album, Fada<3of$ (comprendre : For The Love Of Money). Toutefois, contrairement à d’autres dans la même filière, il n’est pas l’excroissance d’un post-boom bap épris d’expérimentation et de paroles matures. La démarche est la même, mais Niontay l’applique plutôt au rap de ce Sud où il a longtemps vécu, et dont il aurait conservé l’accent.
Ce que Sexafterchurch (son pseudonyme de producteur) déstructure et restructure à sa façon, avec l’appui de Tony Seltzer et de quelques autres, c’est la trap music. Ce ne sont pas les sons d’il y a trente ans, mais ceux de la décennie précédente. On entend, par bribes, les nappes du cloud rap, les mélodies électroniques de poche du Soundcloud rap et les pulsations du rap de Detroit. Ses textes sont, fondamentalement, du shit talking à propos de la drogue, des filles et de l’argent. Et son style vocal ressemble à celui d’un mumble rapper : « mumbleman », s’intitule d’ailleurs un morceau, ajoutant la parole (parfois inaudible) au geste, et saluant au passage deux héros de la trap music Atlanta, l’incarcéré Young Thug et le regretté Trouble.
Tout cela demeure néanmoins du rap cheulou, avec plein de bizarreries dedans. Il y a, par exemple, ce « Lifestyles Of Da Young N Nomadic Interlude » qui derrière son titre à la Big L (ou à la série qui l’a inspiré), parle brièvement de fragrance et de Jean-Paul Gautier. Sur « Stuntin’ like my baba », sous un autre de ses alias, lil peanutbutter, Niontay déforme sa voix à la façon de Quasimoto. Sur « So lovely », il chante son amour d’un ton lancinant et peu assuré. Et puis il y a ces bruits qui surgissent ci et là, celui des vagues sur « Poltergeist », celui d’une moto sur le conclusif « Da hiss of technology ».
C’est du rap expérimental et tarabiscoté, avec tout son attirail habituel. Mais c’en est aussi une tout autre nuance. Et souvent, c’est très bon. Entre deux bizarreries, les perles sont nombreuses, du single « 32ummers » dont le clip a été tourné à Marseille, à cet « Old Kent road freestyle », où Niontay mentionne ce même séjour dans le Sud de la France. Comme pour rappeler encore que ce rap d’artiste globalisé n’a décidément plus d’ancrage régional.
