KNO – Death Is Silent

KNO – Death Is Silent

Les CunninLynguists ont été une exception. Ils ont été l’un des rares groupes issus de la vague underground de l’an 2000 à s’être fait durablement une place sur la scène rap. Ces rappeurs du Kentucky n’en ont pas moins suivi la même pente (ascendante ou descendante, selon les points de vue) que beaucoup de leurs pairs plus méconnus : à l’origine un groupe plutôt revivaliste, souhaitant préserver un hip-hop bâti sur les boucles et les samples, ils ont fini par se faire plus contemplatifs, habillant des paroles plus introspectives d’une musique cinématique, parfois riche en guitares.

Kno, le beatmaker du groupe, son seul Blanc (et pour beaucoup son élément moteur), l’illustre en 2010 avec son premier album solo, Death Is Silent, un disque se penchant sur les sujets éminemment sérieux de la mort et de la vie. Pour la petite histoire, ce disque voit alors sa sortie reportée parce qu’on lui a attribué le même code barre que le Swag Flu de Soulja Boy. Difficile d’imaginer plus ironique, la formule du CunninLynguist étant aux antipodes absolues de l’auteur de « Crank That ».

Kno, en effet, y adopte une posture méditative, renforcée par une musique dans les mêmes tons, atmosphérique, soulignée ici ou là par des nappes de synthé (« If You Cry », le splendide « They Told Me »), des pleurs (« Death Is Silent ») ou les chants évaporés d’une femme, comme dans le cas de « Loneliness », de « Not At The End » et du très beau « La Petite Mort », l’un des titres clippés de l’album (avec l’actrice porno Mia Rose). Death Is Silent est aussi parcouru de samples aux saveurs douces-amères d’une psych folk façon années 70, comme avec le chant et la flûte de l’autre morceau mis en images, « Graveyard », et aussi ces « Rhythm Of The Rain », « Spread You Wings », « Smile » et « When I Was Young » remplis de guitares, acoustiques ou électriques. Les productions sont si travaillées, elles sont tellement clé, que Kno a augmenté l’album de versions instrumentales.

On a parfois critiqué les raps de Kno. Bon producteur, celui-ci n’a pas toujours été reconnu pour ses talents au micro. Il est aisément éclipsé par ses complices Deacon (sur « Loneliness » et « Spread You Wings ») et Natti (sur « If You Cry »). Ce n’est pas tant son aisance verbale qui pose problème : les textes sont là, les assonances et les allitérations aussi, comme en témoigne « Graveyard ». Ce ne sont pas la richesse des propos, notre homme, rappeur instruit, citant par exemple le philosophe indien Jiddu Krishnamurti. Le souci, c’est plutôt sa faible présence, sa voix faiblarde de Blanc. C’est d’ailleurs bien pour cela qu’il a cessé de rapper, au sein de CunninLynguists. Mais ici, son rap peu charismatique s’accorde aux couleurs noires et blanches de ce disque délicieusement dépressif.

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The Notorious S.Y.L.V.

The Notorious S.Y.L.V., a.k.a. Codotusylv, écrit sur le rap et tout un tas d'autres choses depuis la fin des années 90. Il fut le fondateur des sites culte Nu Skool et Hip-Hop Section, et un membre historique du webzine POPnews. Il a écrit quatre livres sur le rap (dont deux réédités en version enrichie), chez Le Mot et le Reste.

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