C'est une loi du genre : tout collectif rap doit avoir au moins une femme pour membre, à un moment ou à un autre de son existence. Et chacun doit avoir, aussi, son rappeur blanc. Pour Hypnotize Minds, celui-ci est Patrick Lanshaw, et son pseudonyme annonce clairement la couleur, si j'ose dire. Lil Wyte l'aurait choisi bien avant d'intégrer la bande à Three 6 Mafia, à l'époque où il côtoyait un certain Lil Black. Mais DJ Paul le lui aurait dit clairement : ce serait à cause de sa teinte pâle que la bande lui aurait proposé de la rejoindre*.
Du côté de nos célébrités de Memphis, P'tit Blanc est donc bel et bien le seul et l'unique de cette couleur, The One And Only, pour paraphraser le titre de son troisième album. Et cela s'entend. Comme souvent chez les rappeurs "caucasiens", Lil Wyte compense une voix qui manque de coffre par un style rapide, braillard et agressif. Et c'est là son seul trait distinctif. Pour le reste, c'est du rap de Memphis le plus générique qui soit : exagérément nihiliste et provocateur. Les textes sont simplets et ils ne font pas vraiment dans la dentelle. Même sur "Suicide", quand Lil Wyte s'adonne à l'introspection, il en fait des caisses et vire au grand-guignol.
Ici se trouve de l'égo-trip grotesque ("The One And Only"), un hymne barbare d'une brutalité insensée (ce "Talkin' Ain't Walkin'" qui parle d'enterrer ses rivaux sous la piscine et de baiser ta mère…) et d'autres décharges de violence ("Gun Do Da Talkin"), un numéro de dealer ("It's On") et d'autres sur les rentrées d'argent sale ("Gettin’ Money Boy", "Cake").
On y découvre aussi des morceaux sur le plaisir de parader dans une bagnole rutilante ("I Got Dat Candy") ou dans les atours étincelants d'un pimp ("Feelin' Real Pimpish", avec Project Pat), et d'autres sur le dévouement à sa ville ("That’s What’s Up"), sur l'art de se défoncer (aux drogues sur "Get High", à l'alcool sur "Fucked Up", au syrup sur "Do It Fluid") et sur celui d'échapper à la police ("Got’m Lookin").
Comme dirait l'autre, Lil Wyte n'est pas le candidat de l'esprit de finesse. Mais au bout du compte, la production est assurée par DJ Paul et Juicy J, et elle, évidemment, est très solide. Elle est même souvent d'une efficacité monstrueuse, comme avec le single "I Got Dat Candy", les notes de piano addictives de "We Ain't Kool", le trompétant "That’s Whats Up", ce "Talkin' Ain't Walkin'" qui donne envie de massacrer des gens, cet ample et orchestral "It's On", l'orgue chaud de "Feelin' Real Pimpish", si typiquement sudiste, et ce "Get Wrong" destiné à dévaster le club. Bref, c'est ébouriffant.
La seule limite, comme avec tous les albums de l'époque, c'est que c'est bien trop long et qu'au bout d'un moment, le rythme s'essouffle. Néanmoins, sur une première moitié menée tambour battant, ce travail fait de The One And Only, indépendamment de la couleur de peau de son principal protagoniste, une pure décharge de rap de Memphis. Lil Wyte est le rappeur blanc d'Hypnotized Minds. Mais in fine, seuls importent les deux derniers mots de cette phrase.