Compte-tenu de l'ascension récente de rappeuses américaines de toutes tendances et obédiences, Dai Burger aurait pu tirer son épingle du jeu au moment où, en 2017, elle sortit son premier album, Soft Serve. Mais ça n'a pas vraiment été le cas. Son grand moment date plutôt de la mixtape In Ya' Mouf, en 2014. A la faveur d'un single remarqué, "Soufflé", la ressortissante du Queens avait alors profité alors des faveurs de quelques médias spécialisés. Et c'est encore plus tôt, à l'occasion d'une mixtape intitulée Mymixxxytape (de "mixxy", un mot d'argot désignant quelqu'un d'hypersocial) et parrainée par une autre rappeuse new-yorkaise en devenir, Junglepussy, qu'elle a fait une première irruption sur la scène de la Grosse Pomme.

DAI BURGER - Mymixxxytape

Cela se passait alors en 2010, et cette date n'avait rien d'un hasard. Dai (prononcer "day") Burger est, pour une large part, un produit de cette époque. Se rencontrent chez elle ce mélange de provocation, de sexe et de parti-pris pop, qui était alors de mise chez Lady Gaga. Cette dernière était une influence avérée, de même que ses ancêtres les Spice Girls, dont la rappeuse est ouvertement fan. Nulle surprise, par conséquent, si s'entendaient sur Mymixxxytape les sons électroniques d'une Euro-Dance remise au goût du jour, des refrains chantés et des mélodies bubblegum, comme dans le cas du titre "Killer". Chez elle, on retrouvait aussi un mélange de rudesse délurée héritée des Lil' Kim et consorts, d'exubérance inspirée de Missy Elliott (samplée sur le central "Mixxxy Shit"), et de looks insolites et colorés issus du monde des poupées, dont Nicki Minaj était alors, côté rap, l'adepte la plus notoire.

Comme cette dernière, Dai Burger s'affichait en victime de la mode. C'est d'ailleurs bel et bien de ce milieu qu'elle provenait, puisqu'en parallèle de ses activités de danseuse pour Lil Mama, son ticket d'entrée dans le rap, elle avait travaillé dans la boutique de Patricia Field, la styliste new-yorkaise connue pour avoir habillé les acteurs de Sex and the City. Logiquement donc, Dai Burger accorde une importance capitale à son apparence, généralement criarde, allant jusqu'à publier des tutos maquillage sur le Web. Et elle a toutes les caractéristiques du milieu de la mode new-yorkais : l'extravagance, les contradictions, la passion pour les clubs, mais aussi la liberté des mœurs. Elle fut l'une des pionnières, parmi cette vague de rappeurs transparents sur leur orientation sexuelle dans les années 2010, à parler ouvertement de sa bisexualité.

Le sexe, justement, était le thème central de Mymixxxytape, comme le laissaient entendre la pochette et la voix coquine de l'intéressée. Dai Burger s'engageait sur "King Kong" dans une torride chanson d'amour. Elle s'affichait avec toute une bande de filles dévergondées sur "They Ain't Ready". Elle prenait du plaisir à s'exhiber en culotte sur "Panties". La bluette R&B rituelle s'intitulait "Get into me (Literally)" (rentre-moi dedans, littéralement). Et son freestyle sur le "Lapdance" de N.E.R.D. n'avait rien d'innocent. Dai Burger affichait une sexualité débridée, mais heureuse, libérée et extirpée de tout carcan moral. "I am not a bad girl, I am just a wild thing. Bad girls can't even do the things I do", disait-elle sur "Wild Thing". Je ne suis pas une vilaine fille, je suis juste sauvage. Les vilaines filles ne feraient même pas les trucs que je fais.

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