Le quota féminin de la dernière fournée des Freshmen aura donc été représenté par Stefflon Don. Même si elle a la particularité d'être anglaise (et d'avoir grandi aux Pays-Bas), sa sélection n'aura pas été une surprise, car cela fait déjà plusieurs mois que Stephanie Allen se fraye un chemin dans le rap, et elle a rejoint l'influente écurie Quality Control Music (Migos, Lil Yachty, etc.) l'an passé. Ayant collaboré tout autant avec French Montana et Future qu'avec Skepta, la Londonienne est représentative de la convergence croissante entre les raps américains et anglais. Car si elle est britannique, elle embrasse pleinement le modèle de la créature sexy et dominatrice qui sévit depuis longtemps Outre-Atlantique. La pochette de sa prochaine mixtape, Secure, le démontre, en recyclant celle de The Notorious K.I.M, l'album de Lil' Kim.

STEFFLON DON - Real Ting

Real Ting, une autre mixtape, a été son seul projet long format avant celui de cet été. Il est apparu fin 2016, après que Stefflon Don ait commencé à se faire un nom, dans son pays tout d'abord, par des remix de Rae Sremmurd et par celui du "Lock Arff" de ses compatriotes de Section Boyz, puis aux Etats-Unis, par une collaboration avec le chanteur R&B Jeremih sur son projet Late Nights: Europe. D'ores et déjà, cette première mixtape imposait la posture privilégiée par l'Anglaise. Celle, très américaine, d'une Nicki Minaj, à laquelle Stefflon Don a été comparée du fait de son inébranlable morgue, de ses vêtements échancrés et extravagants, de son style de rap, et de ses racines (et influences) caribéennes. Son personnage de femme forte et insolente, Stefflon Don le travaillait sur les plus américains de ses titres, comme "Real Ting", où elle prenait le contrôle d'hommes-objets, où elle les convoquait à sa convenance, une fois pour satisfaire ses besoins sexuels, une autre pour faire la vaisselle. Et c'était encore la même personnalité, rude, qu'elle exposait quand elle traitait du commerce de la drogue sur "Narcos".

Mais Real Ting nous rappelait aussi que Stefflon Don était anglaise, avec l'accent britannique prononcé de ses invités, quelques titres grime comme le très bon "Forever", et même l'extrait d'une interview de Margaret Thatcher, sur "Lik Down". Et puis, comme souvent de l'autre côté de la Manche, l'influence de la Jamaïque, d'où était originaire la famille de la rappeuse, était particulièrement présente. Une bonne partie de la mixtape se consacrait au reggae et au dancehall : "Tight Nooki", construit sur le même rythme que le "Murder She Wrote" de Chaka Demus & Pliers, mais aussi le refrain de "Dem Neva Warn Ya", "Envy Us", une chanson d'amour sautillante en duo avec le jeune rappeur Abra Cadabra, ou encore l'efficace "16 Shots", où Stefflon Don menaçait avec conviction quiconque aurait voulu s'en prendre à sa mère.

Et c'était souvent là que se trouvaient les passages les plus satisfaisants de la mixtape, quand elle abandonnait ses morceaux rap génériques, quand elle cessait de vouloir gagner sur tous les tableaux, quand elle ne s'égarait pas dans des passages obligés, comme l'hommage à sa famille de "Family Ties", avec son frère Dutch. C'était là, sur ces titres dancehall, en prenant la grosse voix, que l'Anglaise incarnait le mieux son personnage de maîtresse femme intimidante.

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