En matière de rap, 2017 aura été l'année de Detroit. En tout cas celle de l'explosion pour la scène locale, pour cet underground gangsta qui serait l'héritier de Blade Icewood, décédé une décennie plus tôt. Et à Detroit même, 2017 aura été l'année de Sada Baby, alias Skuba Steve. S'il est apparu récemment, en tournée, comme la doublure du rappeur actuel le plus médiatisé de sa ville, Tee Grizzley, c'est lui qui des deux (et de tous leurs comparses) mérite le plus d'égards.

SADA BABY - Skuba Sada

Après une année 2016 qui a été celle de la révélation grâce au single "Stacy", ce rappeur, qui se distingue par une barbe imposante, n'a pas seulement sorti un projet remarquable, mais deux : Skuba Sada, suivi de D.O.N. - Dat One Nigga.

Le truc de Sada Baby, manifeste dès la première de ces livraisons, c'est qu'il décuple la force de cette musique de Detroit, de cette évolution tardive du son bounce décliné de manière froide, véloce, énergique et parfois même techno (un vieux son de 2Pac suit ce traitement sur "Skupac"), en l'associant à un rap à l'avenant : d'une violence démesurée et exagérée.

Le rappeur, en effet, déblatère ses paroles sans retenue, avec une sauvagerie explicite (et un humour larvé). Il joue de montées de tensions, sa voix est au bord de l'hystérie. Sada Baby use même de hurlements. Il est d'une agressivité viscérale, comme le démontre "2K 17", un titre brutal où, ici comme ailleurs, il clôt chaque vers par un "nigga" définitif.

Il est bestial, comme le prouvent ses appels aux meurtres, ou le traitement qu'il réserve à la gent féminine : "fuck a bitch, throw her off the building" (baise une pute, balance-là du haut de l'l'immeuble), dit-il sur le titre "Alright" ; ou encore "I'll take your bitch and put her pussy on my face" (je prendrai ta pute et je mettrai sa chatte sur ma face), sur "Skupac".

Néanmoins, comme ces rappeurs modernes qui ne rappent plus, Sada Baby s'accorde le luxe de quelques mélodies. On entend des chants, interprétés par lui ou par un autre, en arrière-plan du même "Alright", lors des refrains de "In My Hood", "Probably" et "I Know", ou dans le chanté-rappé de "Peacock", le seul titre où il montre un peu d'amour. Sur "Return Wit My Strap", sans quitter pour autant son registre ultra-violent, il reprend un vieux tube des années 90.

Et quand les deux faces de Sada Baby se mêlent, l'abrupte et la mélodieuse comme sur "Right Now", ça prend à la gorge. En fait, quels qu'en soient les expédients, le rappeur barbu de Detroit ne semble viser qu'un objectif, celui auquel aspire le meilleur du gangsta rap : rendre le mal séduisant.

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