Thug Passion est symptomatique de la confusion qui, à partir de la fin des années 2000, règne autour de la définition et des limites du format mixtape. Ce projet de Lil Boosie, en effet, connait plusieurs déclinaisons : l'une est une véritable mixtape, agencée avec l'appui de deux DJs emblématiques de ce format, Scream et Whoo Kid, alors que l'autre est un album, sorti sur son nouveau label. Ce dernier, pourtant, est sous-titré The Mixtape, et il est aujourd'hui plus facile de se le procurer en ligne sur des sites spécialisés, que par les circuits commerciaux officiels. Mais qu'importe. La seule chose à retenir de cette sortie, c'est qu'elle est représentative d'un Boosie Badazz qui traverse alors ses années les plus denses.
2009, en effet, est le moment où Lil Boosie est envoyé en prison, pour cinq longues années. Et, dans l'attente de cette incarcération, il se montre plus prolifique que jamais : le rappeur de Bâton-Rouge lance alors son label, il sort un album à l'échelle nationale, Superbad: The Return Of Boosie Bad Azz, et il propose une bonne dizaine de mixtapes, en solo ou pas, dont The Return Of Mr. Wipe Me Down.
Enregistré tard dans cette année riche, composé de morceaux dispersés après sur telle ou telle autre sortie, comptant de nombreux invités (Hatch Boy, Locco et Quick, ses protégés de Da Click, et Lil Phat) et destiné avant tout à une clientèle locale, Thug Passion: The Mixtape aurait pu n'être que remplissage. Mais c'est en fait absolument le contraire.
On y trouve sur chaque titre ou presque la synthèse parfaite qu'a su opérer Boosie entre les odeurs sulfureuses de la rue, de la drogue et de la délinquance, une musique entrainante pleine de synthés scintillants et conçue pour le club, une certaine forme de mélancolie ou d'amertume, et même un brin de tendresse sur "Mama Know Love", un titre produit par un certain Mike Will Made It. Cette union, le morceau éponyme lui-même l'incarne, avec son son funky et son refrain :
Thug passion
Gotta make a nigga smile when he is feeling down
La passion du crime
Elle fait sourire le négro quand il déprime
Cette "thug passion", Lil Boosie s'efforce de la vivre à fond, à mesure que s'approche son inéluctable incarcération. Sur "Who Do You Love", il vante son pouvoir d'attraction sur la gent féminine, malgré sa petite taille. Sur "Loaded", il rend hommage, plus qu'à la marijuana elle-même, à son addiction. Mais chez ce rappeur là, il y a toujours une tristesse latente, comme confirmé sur "Never Give Up", un titre dont le slogan, "je n'abandonnerai jamais", est contredit par sa musique molle, son ton résigné et son portrait du ghetto.
Même constat avec ce "Shit Yeah" où Lil Boosie confie ses peines, puis avec le désabusé "What Goes Up", un titre social et pessimiste. Celui qui vivra par le flingue, mourra par le flingue, y dit-il. Et puisqu'il s'agit de finir cette vilaine vie par la prison, autant la vivre à fond, et livrer jusqu'au bout plusieurs spécimens de son rap exalté et à fleur de peau.